Vedanta, sera traduit en justice à Londres pour la pollution de sa filiale en Zambie

Juriste en droit de l’environnement

Huglo Lepage Avocats

Publié le

C’est une première ! L’arrêt risque de faire jurisprudence et de bouleverser le rapport de force entre les populations locales qui ont à subir les pollutions générées par les filiales africaines d’entreprises minières dont le siège se situe en Angleterre. Chancia Plaine, juriste spécialisée en droit de l’environnement au cabinet Huglo Lepage Avocats, rappelle ici sur quels fondements la Cour suprême britannique a reconnu sa compétence juridictionnelle dans l’affaire Lungowe v. Vedanta en matière de devoir de vigilance. Elle a donné raison au 1 800 villageois riverains de la vaste mine de cuivre de Nchanga. Sans se départir du respect dû à l’indépendance et la compétence de la justice zambienne.

Dans un récent arrêt rendu le 10 avril 2019 (Vedanta Resources PLC and another v. Lungowe and others, [2019] UKSC 20), la Cour suprême du Royaume-Uni a reconnu sa compétence juridictionnelle dans l’affaire Lungowe v. Vedantaaffectant des populations de villages situés en Zambie.

La présente affaire a été jugée à deux reprises, en 2016 et 2017, devant les tribunaux britanniques. Elle fait suite aux dommages environnementaux de pollution minière causée par la filiale zambienne Konkola Copper Mines Plc (KCM) appartenant à la société mère anglaise Vedanta Resources Plc.

Dans plusieurs pays, comme la France, le législateur a adopté une règlementation concernant le devoir de vigilance, en s’inscrivant ainsi dans la tendance mondiale qui vise à consacrer une responsabilité des entreprises, spécifiquement de toute société mère (multinationale) au regard des atteintes aux droits de l’homme et de l’environnement perpétrées par sa filiale étrangère.

En l’espèce, en 2015, les requérants zambiens ont intenté une action judiciaire contre la société mère anglaise et sa filiale zambienne, faisant valoir des dommages corporels, matériels en raison de la pollution environnementale causée par les rejets de la mine de cuivre de Nchanga.

Rappelons que l’affaire est en cours. Nous en sommes au stade où la juridiction doit identifier le for dans lequel l’affaire peut être dument jugée dans l’intérêt des parties et se prononcer sur l’accès à la justice britannique aux requérants zambiens.

Sur la compétence juridictionnelle

A la question, l’Angleterre est-elle l’endroit approprié pour porter plainte contre la maison mère, Vedanta, pour manquement au devoir de vigilance à l’égard des agissements de sa filiale zambienne, Konkola Copper Mines (KCM), le juge britannique a répondu par l’affirmative, en estimant que :

« That is a fair description of the judge’s reasoning in the present case. Having found that, looking at the matter as between the claimants and KCM, all the connecting factors pointed towards Zambia, the judge concluded that, factoring in the closely related claim against Vedanta, which he found as a matter of fact that the claimants were likely to pursue in England in any event, the risk of irreconcilable judgements arising from separate proceedingsin different jurisdictions against each defendant was decisive in identifying England as the proper place »(§. 71, jugement du 10 avril 2019).

« […] But it does lead to this consequence, namely that the reason why the parallel pursuit of a claim in England against Vedanta and in Zambia against KCM would give rise to a risk of irreconcilable judgements is because the claimants have chosen to exercise that right to continue against Vedanta in England, rather than because Zambia is not an available forum for the pursuit of the claim against both defendants. […]”(§. 75).

Sur l’accès à la justice

Le juge a considéré que le droit à une justice substantielle devait être entendu comme la possibilité d’accès à la justice par les victimes, et non pas comme une question concernant l’indépendance ou la compétence du système juridique zambien. Par ailleurs, cet accès à la justice ne saurait être disponible en Zambie en vertu de plusieurs facteurs que sont : le coût financier de la procédure, l’absence d’une équipe juridique et d’experts expérimentés, qui permettraient de poursuivre efficacement le recours contre la filiale KMC. Le juge a donc retenu que :

« The judge acknowledged that in the large amount of evidence and lengthy argument presented on this issue there was material going both ways, giving rise to factual issues some of which he had to resolve, but others of which he could not resolve without a full trial. Nonetheless he concluded not merely that there was a real risk but a probability that the claimants would not obtain access to justice so that, in his view, and notwithstanding the need for caution and cogent evidence, this reason for preferring the English to the Zambian jurisdiction was established by a substantial margin beyond the real risk which the law requires »(§. 89).

« Finally, he acknowledged that there was some evidence of group environmental litigation of a similar kind being conducted before the Zambian courts, but he considered, upon the basis of detailed evidence about those cases that they supported, rather than detracted from, a view that the Zambian legal profession lacked the resources and experience with which to conduct such litigation successfully »(§. 91).

Ces différentes questions sur la compétence juridictionnelle et l’accès à la justice ayant été définitivement résolues par le juge britannique, le procès Lungowe v. Vedanta, qui met en jeu l’application du devoir de vigilance de la société britannique Vendetta envers sa filiale zambienne KMC, peut maintenant se poursuivre sur le fond devant les tribunaux britanniques.

Par Chancia PLAINE
Juriste en droit de l’environnement, Huglo Lepage Avocats
@Chancia Plaine (Twitter) – @DroitEnvAfrique (Twitter)

A lire également :

Note du 21 mars 2019 – L’affaire Lungowe c. Vedanta en Zambie : vers une possible application du devoir de vigilance (duty of care) et de la responsabilité civile extraterritoriale par un tribunal britannique ?

Plus sur le même thème

Plus dans la même région

Nous respectons votre vie privée

Ce site utilise des cookies et des technologies statistiques pour améliorer votre expérience. En cliquant j'accepte, vous donnez votre accord.

J'accepte
X
Newsletter AFRIK 21