Les villes vertes, nouveau modèle de ville durable, résiliente, inclusive et prospère

Urbaniste

Institut pour la croissance verte

Publié le

AFRIK 21 publie aujourd’hui sa première contribution d’expert. Alé Badara SY, urbaniste sénégalais de l'Institut mondial pour la croissance verte, nous fait l’amitié d’inaugurer ce format, en défendant l’émergence de villes vertes, sortes de villes durables, alliant les contraintes environnementales et les opportunités économiques, grâce à une approche fondée sur le dialogue et la concertation.

L’urbanisation, en particulier dans les pays en développement, est l’un des défis mondiaux les plus importants qui façonneront l’avenir. La population urbaine mondiale devrait doubler sur la période 2000-2030 et compter 2 milliards d’habitants supplémentaires (Banque mondiale). En 2050, il est prévu que plus de deux tiers de la population mondiale vivront dans des villes et 90 % de la croissance devrait avoir lieu dans les pays en développement.

Cette tendance est bien présente au Sénégal, où la proportion de citadins a quasiment doublé ces dernières décennies (de 23 % dans les années 1960 à 43 % en 2013) et devrait s’établir à 60 % à l’horizon 2030, selon Salim Rouhana et Dina Nirina Ranarifidy (deux spécialistes en développement urbain de la Banque mondiale), pendant que la moyenne sub-saharienne se situerait autour de 40 %. Dans ce contexte d’urbanisation galopante, les villes sénégalaises jouent un rôle clé dans la croissance économique nationale, la création de richesses et d’emplois. Cette tendance devrait se poursuivre, car le potentiel d’urbanisation reste encore énorme.

La vulnérabilité des villes sénégalaises

Avec un développement urbain bien planifié, les villes sénégalaises pourraient davantage constituer de puissants moteurs de l’économie nationale. Cependant, à l’instar des villes africaines, elles font face à des défis multiformes en termes d’infrastructures, d’approvisionnement en eau, de gestion des déchets, de mobilité urbaine, d’accès à l’énergie, à l’assainissement, au logement décent et abordable. À cela s’ajoute également l’insécurité, la pauvreté, le sous-emploi, la pollution, les risques de catastrophes naturelles. La récurrence et la complexité de tous ces problèmes peuvent s’expliquer par l’absence de stratégies de développement des villes dans un contexte de changement climatique.

Cette urbanisation effrénée a considérablement accentué la vulnérabilité des villes qui ne sont pas souvent préparées à faire face aux chocs climatiques, à prendre en charge la croissance urbaine et à saisir efficacement toutes les opportunités qu’elle offre en termes d’innovations sociales, technologiques, environnementales. Cette situation est encore beaucoup plus exacerbée dans les villes secondaires.

La ville verte comme modèle de ville durable

Il est clair qu’au stade actuel, il sera difficile de faire face aux défis de croissance et de la pauvreté dans les villes africaines en général et du Sénégal en particulier, sans une gestion durable de l’urbanisation. Les modèles d’urbanisation en cours ne sont plus viables. Ils renchérissent les coûts de mise à niveau des villes et ne permettent pas de tirer meilleur profit des dividendes économiques et sociaux de nos villes. La ville durable constitue un objectif incontournable. Elle met l’accent sur la nécessité de changer de paradigme et d’opter pour un autre modèle de développement urbain, inclusif, plus sobre, économe en ressources foncières et qui donne plus de place aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique.

Dans cette optique, le modèle de « villes vertes » trouve toute sa pertinence dans le contexte du Sénégal, car il offre les meilleures options pour faire face aux changements climatiques avec des mesures d’atténuation et d’adaptation durables à travers la création d’emplois, la lutte contre la pauvreté, l’amélioration des conditions d’existence pour le bien-être des populations.

En effet, le développement de villes vertes dépasse la politique environnementale classique, en ce sens qu’il exploite des outils d’aménagement urbain durables et des expériences pratiques. Les villes vertes visent ainsi à accélérer la transition vers un développement urbain à faible émission de carbone de manière à transformer les contraintes environnementales et énergétiques en opportunités économiques. Il s’agit d’une approche écosystémique et intégrée basée sur le dialogue et la concertation afin de développer des villes compactes, résilientes et sobres en carbone qui consomment moins d’espaces, moins d’énergie, moins d’eau, moins de ressources naturelles et qui produisent moins de déchets.

Ainsi, le processus de développement de villes vertes vise la transition vers un nouveau modèle de ville durable, résiliente, inclusive et prospère. Il permet d’apporter des solutions aux défis liés à l’urbanisation à travers la promotion d’un modèle urbain durable qui répond aux enjeux climatiques, alliant qualité de vie, performance énergétique, environnementale et économique.

Les villes vertes visent la mixité fonctionnelle, la promotion de l’efficacité énergétique et l’utilisation des énergies renouvelables, la gestion durable des terres, le transport respectueux de l’environnement, la valorisation des déchets… soutenus par une gouvernance verte et inclusive.

L’objectif visé est la création d’un meilleur cadre de vie, la maîtrise de l’étalement urbain sur les terres agricoles, l’accès aux différentes sources d’énergie ainsi qu’aux services urbains de bases liés à l’eau, à l’assainissement, au logement, à la santé, à l’amélioration de la qualité des services rendus aux citoyens et enfin à la création de conditions pour une croissance économique équilibrée.

Concentrer l’effort sur les villes secondaires

Au Sénégal, le Programme de développement des villes secondaires vertes concerne vingt — cinq municipalités avec l’appui de l’Institut mondial pour la Croissance verte (Global Green Growth Institute — GGGI en anglais). Il s’inscrit dans le Cadre de Coopération 2016 – 2020 établi avec le Gouvernement. Les villes éligibles au Programme sont essentiellement des villes secondaires qui souffrent d’un manque criant d’équipements, d’infrastructures et d’emplois.

En effet, le développement des villes secondaires n’a pas engendré une croissance économique soutenue, avec comme corollaires des défis environnementaux qui exacerbent les inégalités sociales et la pauvreté urbaine. Ces villes secondaires continuent de se développer, sans avoir les capacités de planifier et de gérer leur développement urbain, de promouvoir l’emploi et la croissance économique. Tout cela justifie l’option du Gouvernement de retenir les villes secondaires pour servir de modèle de villes vertes.

Pour ce faire, l’approche s’appuie sur cinq « piliers » qui constituent le soubassement des Directives-cadres pour le développement de villes secondaires vertes sur lesquels les progrès les plus importants peuvent être accomplis. Ces piliers sont : 1) l’Énergie et l’efficacité énergétique, 2) la Mobilité urbaine, 3) l’Occupation du sol, 4) l’Eau et Assainissement, 5) les Déchets solides. La stratégie de mise en œuvre est bâtie sur deux approches : l’approche par « site » et l’approche par « piliers ». L’approche par « site » se traduit par la mise en œuvre de l’ensemble des cinq piliers dans le cadre d’un nouvel aménagement (Pôles urbains, Zones d’aménagement concerté, Zones économiques spéciales, etc.). Tandis que l’approche par « piliers » s’applique sur un tissu existant. Selon le contexte et les priorités, un ou plusieurs piliers peuvent être développés.

Kolda, Tivaouane et Diamniadio, pionnières de la ville verte

Le modèle de « villes vertes » tel que prôné par GGGI est celui qui assure non seulement la durabilité environnementale, mais aussi la croissance économique et le développement social inclusif ce qui contribue à l’économie de toute une région et d’un pays.

Le Programme de développement des villes secondaires vertes vise à doter ces localités d’instruments de planification stratégique axée sur la croissance verte afin de renforcer la résilience territoriale, de développer les capacités de gouvernance climatique et de mobilisation des ressources pour le financement de projets bancables. Pour la première phase de mise en œuvre du programme, la ville de Kolda, celle de Tivaouane et le Pôle urbain de Diamniadio ont été les villes pilotes.

À Kolda, la Stratégie de développement en ville verte s’inscrit dans une perspective d’ensemble qui prend en compte la nécessité de développer une intercommunalité afin de faire face aux contraintes de développement spatial de la ville. La feuille de route met l’accent sur les priorités stratégiques de Kolda en termes de logements, de transports, d’assainissement, et indique la nécessité d’engager des politiques urbaines structurelles, afin d’impulser un nouveau souffle à la ville en vue de dynamiser son économie.

À Tivaouane, la Stratégie de développement se fonde sur les principes de développement durable pour le rayonnement de la ville au-delà des frontières du pays, tout en consolidant ses fonctions religieuses. La feuille de route met l’accent sur la mise en place d’un système intégré de gestion de l’assainissement liquide et solide.

Au niveau de Diamniadio, la Stratégie visera à inscrire l’aménagement du Pôle urbain dans une trajectoire de verdissement. Elle constituera un puissant outil de marketing territorial, pouvant contribuer à l’attractivité du Pôle et susciter davantage l’intérêt des investisseurs internationaux.

À l’instar de Kolda, Tivaouane et du Pôle urbain de Diamniadio, les autres villes du Programme recevront une assistance technique de GGGI Sénégal pour élaborer et mettre en œuvre une Stratégie de développement en villes vertes et une feuille de route correspondante.

Construire de véritable Projets de territoire, décentralisés

Les enseignements tirés de la phase pilote ont conduit à l’extension du Programme dans dix nouvelles villes. L’approche de mise en œuvre de cette phase vise à renforcer la participation citoyenne, l’appropriation des acteurs et à impulser une dynamique de changement de comportement. Pour accompagner ce processus, il est prévu la mise en place dans chaque ville d’un « Réseau local de volontaires pour la ville verte », en s’appuyant sur le tissu associatif existant, en vue de renforcer la prise de conscience sur la nécessité de changer de comportement.

Dans le contexte de la phase 2 de l’Acte 3 de la décentralisation, il est nécessaire de capitaliser sur l’approche et les outils développés dans le cadre du Programme pour en faire de pertinents « Projets de territoire », visant à renforcer une croissance économique verte et inclusive dans les villes secondaires.

Enfin, les villes vertes s’accompagnent d’un ensemble de services, d’opportunités économiques et d’emplois contribuant significativement à la croissance verte du pays.

Par Alé Badara SY
Urbaniste, spécialiste du développement des villes vertes,
Institut mondial pour la croissance verte à Dakar (Sénégal)
Profil Linkedin

Catégories

Plus sur le même thème

Plus dans la même région

Nous respectons votre vie privée

Ce site utilise des cookies et des technologies statistiques pour améliorer votre expérience. En cliquant j'accepte, vous donnez votre accord.

J'accepte
X
Newsletter AFRIK 21