Joseph Yepka : « la loi camerounaise sur la pêche est en cours de révision »

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©Joseph Yepka : « la loi camerounaise sur la pêche est en cours de révision »

Le Cameroun ne peut plus exporter ses ressources halieutiques vers le marché européen. C’est la résultante d’un carton rouge à lui donné en janvier 2023 par la Commission européenne, qui étiquette le pays d’Afrique centrale, comme « pays non coopérant dans la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (pêche INN, Ndlr)». Pour remédier à ce statut, plusieurs administrations du pays se sont mises en ordre de bataille pour améliorer le contrôle de la pêche. Dans cette interview, Joseph Yepka, sous-directeur des pêches au ministère camerounais de l’Élevage, des Pêches et des Industries animales (Minepia), répond aux questions d’AFRIK21, sur les actions menées par le gouvernement.

AFRIK21 : Les produits halieutiques du Cameroun sont interdits d’entrée sur le marché européen depuis janvier 2023. Un carton rouge relatif au statut de « pays non coopérant dans la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (pêche INN, Ndlr) », que le Cameroun occupe désormais dans les fichiers de la Commission européenne. Comment concevez-vous l’attribution d’un statut pareil à votre pays?

Joseph Yepka : Je pense premièrement qu’il est important de clarifier la situation, vu les commentaires qui fusent autour de ce carton rouge. Il faut comprendre que ce carton rouge est simplement une sonnette d’alarme, concernant quelques faiblesses du pays dans le contrôle de la pêche pratiquée par les bateaux battant pavillon camerounais. Ce qui est indexée, c’est la faiblesse à contrôler nos bateaux en dehors de nos eaux, dans les pays tiers. Donc, ce n’est pas à proprement parler, le fait que le Cameroun est un pays qui pratique la pêche INN ou qui cède le flanc à cela, non, il ne s’agit pas de ça. Vous savez, le contrôle de nos bateaux hors de nos eaux nécessite d’importants moyens technologiques, un réseau et autres.

Afrik21: Qu’a fait le gouvernement camerounais, entre temps, pour surmonter ces difficultés de contrôle des bateaux de pêche à longue distance ?

Joseph Yepka : Des mesures précises et pratiques ont été prises. Déjà, il y a un cadre de collaboration qui est en train d’être mis en place, sous l’égide du premier ministère, entre le ministère en charge des pêches et le ministère des Transports. Car si le ministère en charge des pêches assure le contrôle de cette activité, c’est au ministère des transports que revient la charge d’immatriculer les bateaux, donc de donner le pavillon. D’où la nécessité d’une collaboration entre ces deux administrations, afin d’assurer un meilleur contrôle des bateaux de pêche à qui nous donnons notre pavillon.

La deuxième réponse du gouvernement est structurelle, car s’inscrivant dans le cadre de la révision de la loi. Vous savez la loi camerounaise sur la pêche est en cours de révision, et le processus est assez avancé. Et il y a un certain nombre d’innovations qui sont contenues dans ce projet de loi, de manière à mieux gérer les questions de contrôle de nos bateaux et de lutte contre la pêche INN.

« Les communautés de pêcheurs sont tout aussi coupables de pêche INN »

Afrik21 : Quel bilan chiffré de la pêche INN, le Cameroun enregistre- t-il à ce jour?

Joseph Yepka : La pêche INN ne respecte pas les règles. Elle n’est non plus déclarée. Et vous savez, quand quelque chose n’est pas déclarée, nous avons du mal à la quantifier. Même à travers le monde, la pêche INN est difficile à quantifier. Il vrai qu’on peut quantifier le nombre de bateaux ou de pêcheurs qui ont été interpellés en situation de pêche INN, mais même à ce moment-là, il est impossible de prendre en compte les trafiquants qui passent sous les radars. Il reste tout de même que la pêche INN est un fléau, car elle s’attaque aux ressources halieutiques, qui sont très importantes pour la sécurité alimentaire. Il faut à tout prix la combattre, et c’est dans cette lancée que se trouve le Cameroun.

Afrik21 : Quel message formulez-vous à l’endroit des communautés côtières, qui vivent essentiellement de ressources, aujourd’hui en proie à la pêche INN ?

Joseph Yepka : J’adresse plutôt un message de responsabilité. Parce qu’il faut rappeler que la pêche INN n’est pas pratiquée par des anges, mais plutôt par des personnes, des pêcheurs. Même des membres des communautés peuvent se rendre coupable de pêche INN. Donc il faudrait que les acteurs de la pêche industrielle et même les communautés comprennent que les ressources halieutiques sont un bien précieux, un bien national, qui doivent profiter également aux générations futures. Chacun doit pratiquer la pêche en toute responsabilité, en respectant la réglementation camerounaise en la matière, parce c’est ça qui nous garantit une gestion durable.

Le ministère de l’Elevage, des pêches et des industries animales (Minepia) n’est qu’un acteur de la pêche au Cameroun. Si le Minepia fait bien son travail, et que les autres acteurs ne font pas le leur, on ira nulle part. Et le respect des règles consiste ici à respecter les mails de filet, ne pas utiliser les techniques de pêche prohibées, ne pas utiliser les engins de pêche prohibés, ne pas pêcher dans des zones interdites à la pêche, comme les zones de reproduction et les aires marines protégées, etc. Donc, c’est un appel à la responsabilité de chacun d’entre nous.

Propos recueillis par Boris Ngounou    

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