AFRIQUE : quels progrès en matière d’accès à l’eau potable en 2023 sur le continent ?

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AFRIQUE : quels progrès en matière d’accès à l’eau potable en 2023 sur le continent ? ©KAWEESTUDIO/Shutterstock

L’Afrique est-elle un peu plus avancée en matière d’approvisionnement en eau potable aujourd’hui ? AFRIK 21 a consulté quelques acteurs du secteur, ainsi que des rapports d’organisations internationales alors que l’année 2023 tire à sa fin. Si les retours sont encourageants, beaucoup reste à faire à seulement six ans de 2030, échéance fixée par les Nations unies pour atteindre le sixième objectif de développement durable (ODD6).

L’année 2023 qui s’achève dans quelques jours aura été une année riche en initiatives dans le secteur de l’eau en Afrique. Les experts nationaux et internationaux sont unanimes sur ce fait. De grands projets ont été réalisés cette année à l’instar de la station d’eau potable de Binza Ozone en février 2023, avec une capacité de 110 000 m3 par jour. L’usine implantée à l’ouest de Kinshasa en République démocratique du Congo (RDC) permet d’approvisionner 1,5 million de ménages connectées sur le réseau de la Régie de distribution d’eau (Regideso).

En Côte d’Ivoire, l’usine de Mé, située dans la sous-préfecture de Brofodoumé, dans le district autonome d’Abidjan, est également entrée en service en 2023 après cinq ans de travaux. Grâce à cette installation (240 000 m3 par jour), plus de 2 millions depersonnes supplémentaires vivant dans le nord de la capitale économique ivoirienne bénéficient désormais d’une eau salubre, notamment à Cocody, Abobo et Youpougon, ainsi qu’à l’est.

Dans la quasi-totalité des pays africains, l’année 2023 a également été marquée par le lancement d’une pléthore de projets d’eau potable. Au Cameroun, la deuxième phase du Projet d’alimentation en eau potable de neuf villes (PAEP) a commencé le 28 août 2023 à Garoua-Boulaï, dans le département du Lom-et-Djerem, région de l’Est, et concerne aussi les villes de Garoua, Maroua, Yabassi et Dschang. Il permettra de déployer une capacité de production d’eau potable de 74 400 m3 par jour au cours des 36 prochains mois.

Dans la province de Gaza au sud du Mozambique, le gouvernement envisage la réalisation de 74 nouveaux forages pour soutenir les installations existantes. Au moins 60 000 personnes supplémentaires seront approvisionnées en eau potable au cours des sept prochaines années grâce à ces installations. Dans plusieurs pays, ces projets sont déterminés à atteindre l’ODD6 pour le bien-être de leurs populations. Il faut désormais prendre en compte les paramètres climatiques qui conditionnent la nature de tout projet.

Le dessalement de l’eau de mer au service de l’ODD 6

Rendus en fin 2023, les pays d’Afrique du Nord demeurent les plus avancés sur la valorisation des ressources en eau non conventionnelles. Normal, car ils doivent faire face à une sécheresse persistante depuis plusieurs années, avec pour conséquence majeure la raréfaction des ressources en eau douce.

Ainsi, de l’Égypte à l’Algérie en passant par le Maroc ou encore la Tunisie, la construction de stations de dessalement de l’eau de mer se poursuit à tour de bras. En Algérie par exemple, cinq stations de dessalement de l’eau de mer sont construites actuellement à Oran, Boumerdès, El Tarf, Bejaïa et Fouka 2. Chaque installation affichera une capacité de production de 300 000 m3 d’eau douce par jour, soit une capacité globale de 1,5 million de m3 pour l’ensemble des stations d’ici décembre 2024.

Lire aussi – AFRIQUE : la sécurité de l’eau et de l’assainissement aujourd’hui, une nécessité !

Outre le dessalement de l’eau de mer, la réutilisation des eaux usées traitées est aussi une alternative aux pénuries d’eau potable. Si cette pratique est déjà vulgarisée pour améliorer l’accès à l’eau destinée à l’irrigation et l’arrosage, à ce jour, les mentalités ont très peu évolué sur la réutilisation des eaux usées traitées en eau potable. La Namibie demeure le seul pays à s’appuyer sur cette solution pour l’approvisionnement de ses populations. Le 12 décembre 2023, le gouvernement namibien a d’ailleurs annoncé la réhabilitation des usines de traitement des eaux usées de Gammams et d’Otjomuise, situées à Windhoek pour l’approvisionnement en eau potable.

Des engagements pris en 2023 pour « l’eau pour tous » en Afrique d’ici à 2030 ?

Finalement, l’Afrique atteindra-t-elle l’ODD6 à l’horizon 2030 ? Plusieurs acteurs du secteur de l’eau pensent que non. « Il y a certes eu plusieurs installations d’eau inaugurées sur le continent, mais c’est tellement insuffisant que j’ai envie de dire qu’on est en retard sur les objectifs 2030 », affirme Malek Semar, le fondateur de l’association « No Water No Us » qui sensibilise et agit pour l’eau en Afrique et ailleurs.

Le dernier rapport (2023) sur le développement durable en Afrique publié en marge de la 78e Assemblée générale des Nations unies tenue à New York aux États-Unis d’Amérique en septembre 2023, évalue également les progrès du continent dans la mise en œuvre de l’ODD6. Le document indique que les pays africains ont amélioré l’accès à des services d’eau potable gérés en toute sécurité, mais qu’il subsiste une importante disparité entre les zones rurales et urbaines. Trois Africains sur cinq, soit 411 millions de personnes, manquent encore d’eau potable gérée en toute sécurité.

Le rapport intitulé « Accélérer la reprise au sortir de la pandémie de la maladie à coronavirus (Covid-19) et la mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’Agenda 2063 de l’Union africaine à tous les niveaux » appelle aussi les pays africains à investir dans les infrastructures d’eau, d’assainissement et d’hygiène et à renforcer les capacités de gestion intégrée des ressources en eau. Sur 48 pays évalués en Afrique, seules l’Égypte et la Tunisie seraient sur la bonne voie pour atteindre l’objectif de l’assainissement de base universel d’ici à 2030.

Pour soutenir les autres pays africains encore en retard, notamment du fait de l’insuffisance de financement, la Commission de l’Union africaine (CUA) a lancé à la 78e Assemblée générale des Nations unies, en collaboration avec le Panel international de haut niveau sur les investissements dans l’eau pour l’Afrique, une campagne pour mobiliser les fonds nécessaires auprès des leaders et partenaires de développement.

Actuellement, le financement de l’eau destiné à l’Afrique oscille entre 10 et 19 milliards de dollars par an selon le président sénégalais Macky Sall, en deçà du montant nécessaire de 30 milliards de dollars par an. À l’en croire, « sur les 780 millions de personnes qui vivent sans eau dans le monde, 320 millions se trouvent en Afrique. Si ce chiffre cache des disparités selon les pays, il traduit un besoin urgent de mobiliser tous les moyens disponibles pour combler ce déficit hydrique qui a un impact négatif aussi bien sur la santé, l’éducation, l’électricité, que sur l’agriculture ».

Outre le financement, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) propose, dans son rapport de mars 2023, de passer des solutions aux actes. « Nous exhortons les gouvernements à prendre les mesures avec le soutien des entités des Nations Unies, des partenaires multilatéraux, du secteur privé et des organisations de la société civile. Il s’agit d’impulser le changement, d’orienter le financement et les décisions de financement et d’investir en faveur des personnes et des institutions ». L’organisation suggère également de faciliter la collecte de données pour améliorer le processus de prise de décisions, et d’encourager l’innovation et l’expérimentation dans le secteur de l’eau, l’assainissement et l’hygiène (Wash).

Inès Magoum

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