AFRIQUE DE L’EST : les criquets, autre conséquence des variations climatiques extrêmes

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AFRIQUE DE L’EST : les criquets, autre conséquence des variations climatiques extrêmes©Jen Watson/Shutterstock

Depuis plusieurs semaines, des essaims de criquets dévastent les cultures et les aires protégées en Afrique de l’Est. Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), l’invasion actuelle est le dernier symptôme d’une série de variations climatiques extrêmes en Afrique de l’Est, recensées ces dernières années.

L’Afrique de l’Est est touchée par une invasion de criquets d’une ampleur sans équivalent depuis plusieurs décennies. En Somalie et en Éthiopie, environ 70 000 hectares de terres agricoles ont déjà été détruits. Pendant ce temps, au Kenya, des nuées allant jusqu’à 60 kilomètres de long sur 40 kilomètres de large ont été observées, causant d’importants dégâts sur la production agricole. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), «  les criquets pèlerins peuvent manger l’équivalent de la nourriture consommée par 80 millions de personnes en un seul jour L’enjeu pour la sous-région est de trouver les moyens de limiter la multiplication de ces insectes. Car l’Ouganda est envahi à son tour depuis 24 heures et « le Soudan du Sud et également sous la menace et peut se retrouver attaqué du jour au lendemain », prévient Keith Cressman, spécialiste des invasions acridiennes au sein de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), interviewé par le journal Le Monde. D’autant que de très nombreuses bandes larvaires ont été observées et qu’on s’attend dans les prochaines semaines à l’éclosion de nouvelles générations de ces insectes ravageurs.

L’Afrique de l’Ouest n’est pas menacée, mais à l’Est la situation est telle que les gouvernements des pays environnants redoutent eux aussi les conséquences et tentent de prendre des mesures pour faire face. Au Burundi, le ministre de l’Agriculture et de l’Élevage a tenu une conférence de presse le 4 février 2020, pour présenter les axes stratégiques de son plan d’action aux populations.Les autorités ont mis en place un comité interministériel de suivi et une commission chargée du suivi technique. Toujours dans le cadre de la riposte, une campagne de sensibilisation des populations au ramassage et à la consommation des criquets a été lancée. Ainsi, la quantité de criquets seraient réduite pour préserver les cultures en cas d’attaque.
Mais ces mesures risquent de s’avérer peu efficaces face à un phénomène dont les experts attribuent l’ampleur exceptionnelle au changement climatique.

Une situation causée par le dérèglement climatique

L’Afrique de l’Est est l’une des zones les plus touchées par le changement climatique. Selon les spécialistes, cette situation est causée par un phénomène d’interaction océan-atmosphère appelée « dipôle océan Indien ». Le phénomène climatique est créé par la différence de température à la surface de la mer entre les zones est et ouest de l’océan indien. Selon les scientifiques, un dipôle d’une telle intensité n’a pas été observé depuis des années, voire des décennies.

Ce dérèglement climatique a créé des conditions idéales pour la reproduction des insectes. Pendant les périodes de calme – dites de récession – les criquets pèlerins sont généralement limités aux déserts semi-arides et arides d’Afrique, du Proche-Orient et d’Asie du Sud-Ouest qui reçoivent moins de 200 mm de pluie par an.

Cependant, comme le rappelle Richard Munang, expert du Programme des Nations unies pour l’environnement sur le climat et l’Afrique, « les cinq dernières années ont été les plus chaudes depuis la révolution industrielle. Des études ont établi un lien entre un climat plus chaud et des essaims de criquets plus menaçants. Le temps humide favorise également la multiplication des criquets. » Il rappelle par ailleurs que « des pluies généralisées et supérieures à la moyenne – jusqu’à 400 % supérieures à la normale – ont frappé la Corne de l’Afrique d’octobre à décembre 2019. Ces pluies anormales ont été causées par le dipôle de l’océan Indien, un phénomène accentué par le changement climatique.

Le Kenya parie sur la pulvérisation de pesticides.

Le Kenya est touché par l’invasion de criquets depuis fin décembre 2019. Le gouvernement kényan craint désormais que la menace s’étende à des zones de pâturage. Une éventualité qui serait dévastatrice pour les éleveurs. Et si la menace des criquets n’a pas été jugulée d’ici le début de la prochaine saison de semis, aux alentours de mars, les agriculteurs pourraient voir leurs champs anéantis. Pour renforcer la lutte, le pays a donc fait appel à des entreprises privées, comme Farmland Aviation, spécialisée dans la pulvérisation d’engrais. Le Kenya dispose désormais de 5 avions qui dispersent des pesticides sur les criquets. Même si, comme le rappelle Richard Munang, « l’impact de ces produits chimiques sur l’environnement et d’autres écosystèmes essentiels à la sécurité alimentaire ne peut être négligé. Ainsi les abeilles et autres insectes pollinisent jusqu’à 70 % de notre alimentation. Sans compter l’impact direct des pesticides sur la santé humaine ». Cependant, si rien n’est fait, le nombre d’insectes ravageurs « pourrait être multiplié par 500 d’ici le mois de juin », a déclaré vendredi Guleid Artan, du Centre de prévision et d’applications climatologiques (ICPAC), relevant de l’organisation régionale Igad, cité par le magazine Science et Avenir.

Inès Magoum

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