Hicham El Habti : «l’Afrique va se développer grâce à la science et aux technologies»

Par - Publié le / Modifié le

Hicham El Habti : « l’Afrique va se développer grâce à la science et aux technologies » ©Salma Bouaissi/UM6P

En marge des Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) qui se tiennent à Marrakech jusqu’au 15 octobre 2023, l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) organise le « Voice of Africa ». L’évènement est piloté par son président Hicham El Habti, par ailleurs ancien Secrétaire général du groupe OCP. Il a accordé sur place au Maroc une interview à AFRIK 21 au sujet du rôle des technologies dans le développement urbain durable du continent.

En marge des Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) qui se tiennent à Marrakech  jusqu’au 15 octobre 2023, l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) organise le « Voice of Africa ». L’évènement est piloté par son président Hicham El Habti, par ailleurs ancien Secrétaire général du groupe OCP. Il a accordé sur place au Maroc une interview à AFRIK 21 au sujet du rôle des technologies dans le développement urbain durable du continent.

Benoit-Ivan Wansi : Pouvez-vous nous présenter l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) notamment sa mission, ses effectifs et son budget ?

Hicham El Habti : L’UM6P a pour vocation d’apprendre aux jeunes à penser par eux-mêmes, de les équiper pour qu’ils puissent proposer des solutions au service du développement du continent africain. Pour cette rentrée académique de 2023, nous avons environ 6 000 étudiants et la moitié d’entre eux sont dans des métiers de codage pour répondre efficacement à la pénurie mondiale dans ce domaine spécifique. Il y a une jeunesse diversifiée, notamment du Maroc et en provenance d’autres pays d’Afrique subsaharienne. Près de 720 doctorants sont repartis entre le site principal de Ben Guerir et les filiales (campus annexes de Rabat et Laayoune, Ndlr). Parmi les filières principales figurent l’ingénierie, la gouvernance et la médecine encadrées par 250 chercheurs permanents. Le chiffre du fonctionnement tourne autour de cent millions de dollars.

Le Maroc accueille en ce moment les Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI. Dans le cadre de cette rencontre, l’UM6P organise le « Voice of Africa » qui a mobilisé les plus grands économistes, décideurs politiques et entrepreneurs du monde. Quels sont les objectifs et la particularité d’une telle rencontre, notamment pour le développement durable ?

Notre point de vue c’est que l’Afrique va s’en sortir grâce à la science, à la recherche et à l’univers. Donc, l’objectif aujourd’hui est de donner envie aux participants de se rendre compte des opportunités sur le continent africain. Il faut qu’on développe des modèles de prédiction, des innovations au service d’une nouvelle façon de faire l’agriculture, de mieux gérer les ressources naturelles du continent africain, de développer une chaîne de valeur pour transformer ce qu’on produit sur nos territoires. C’est bien cela l’objectif derrière l’organisation de « Voice of Africa » qui est axé sur quatre thématiques : la sécurité alimentaire qui est le deuxième objectif de développement durable (ODD2), l’entrepreneuriat, la diaspora africaine et sa contribution à l’innovation, et enfin les industries culturelles.

Nous avons visité le campus de Ben Guerir qui est l’un des plus vastes au Maroc (33 hectares). Il abrite d’ailleurs des centres de recherche, des surfaces ludiques et même un hôtel. Qu’est-ce qui est fait pour que ces locaux soient en phase avec l’environnement ?

Nos bâtiments sont les premiers à avoir obtenu la certification LEED axée sur l’efficacité énergétique. Ce qui suppose que les besoins en termes d’énergie sont beaucoup plus faibles par rapport aux édifices classiques. Dès 2025, nous serons alimentés à 100 % par les énergies renouvelables. Actuellement, nous avons une capacité de 40 % de solutions solaires. Ensuite par rapport à l’eau, nous utilisons les eaux issues de la station de traitement des eaux usées de la ville de Ben Guerir pour pouvoir préserver la nappe phréatique. Mais le plus important, c’est le message qu’on passe aux étudiants dès qu’ils intègrent l’UM6P, notamment sur les gestes écologiques.

Vous avez lancé récemment un programme de Master sur les smart cities en partenariat avec l’Éole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) en Suisse. Pourquoi une telle formation et quels débouchés ?

Les lauréats de ce programme travailleront par exemple au niveau des agences urbaines qui doivent penser les villes du futur. L’Afrique va connaître une croissance démographique très importante et nous devons bien la préparer. L’accompagnement en termes de pensée et d’exécution d’un nouveau type de villes. On ne peut plus avoir des villes qui ne s’adaptent pas au dérèglement climatique en termes de besoin en eau ou d’énergie. Donc l’objectif, c’est d’imaginer des villes intelligentes qui peuvent, abriter cette croissance démographique importante que le continent africain va connaître sur les vingt, trente prochaines années. Une ville intelligente implique qu’il y ait des capteurs un peu partout. Concrètement, la solution intelligente devrait pouvoir détecter s’il y a un excédent en matière de production d’énergie dans une maison et le diriger plutôt ailleurs. Aussi, la technologie devrait permettre la fluidité de la circulation routière et donc la réduction des temps de trajets. Et pour le volet construction, il sera plus question du choix des matériaux sobres.

Pensez-vous que l’Afrique a besoin de développer des villes intelligentes aujourd’hui pour pouvoir atteindre les 17 ODD d’ici à 2030 ? Si oui, qu’est-ce que le numérique peut apporter concrètement aux populations ?

Dans le domaine de l’agriculture, on peut scanner le sol à travers les images satellites sans avoir besoin d’y aller pour savoir exactement la composition de la matière organique. Mais ce sont des modèles d’intelligence artificielle (IA) très puissants qui nécessitent une telle puissance de calcul. Une fois en possession de ces images satellites et donc des données, vous saurez si vous devrez faire du blé ou telle autre culture. Vous allez même avoir une idée sur les nutriments qui correspondent au lieu d’appliquer des engrais au hasard sur le sol. Tout cela permet bien évidemment une meilleure productivité et la préservation de l’actif le plus important pour un petit fermier. De quoi générer des opportunités de travail pour la jeunesse qui doit être en lien avec ces petits exploitants agricoles pour les orienter quant à la vente et au stockage de leurs produits.

Lire aussi-SMART CITY : Le Caire, Casablanca…quand technologie et développement se rencontrent

 

Y a-t-il une solution technologique concrète sortie de vos laboratoires et qui contribue réellement à l’amélioration des problématiques quotidiennes ?

Il y a la start-up « Freedge » portée par deux Marocaines et un Togolais. Ensemble, les trois apprenants de 21 à 22 ans ont mis en pratique leurs acquis du cours de physique pour concevoir un frigo solaire fonctionnant à l’eau et à l’énergie solaire. Cet équipement permet aux fermiers qui n’ont pas accès à l’électricité de pouvoir stocker les aliments, sachant qu’ils perdaient parfois jusqu’à 70 % de leurs récoltes. Le projet est devenu finalement une très belle entreprise dans laquelle l’UM6P est actionnaire et elle a réussi a levé beaucoup de fonds et a gagné plusieurs prix.

À ce jour, quelles sont les deux villes marocaine et africaine qui vous semblent sur la bonne voie de la transition écologique ?

Je dirais Ben Guerir où des projets verts se multiplient. Je citerais également le Bénin qui met en œuvre le projet Sème city (à Cotonou, Nldr) avec lequel nous nous sommes d’ailleurs en partenariat.

Propos recueillis par Benoit-Ivan Wansi, envoyé spécial au Maroc.

Plus sur le même thème

Plus dans la même région

Nous respectons votre vie privée

Ce site utilise des cookies et des technologies statistiques pour améliorer votre expérience. En cliquant j'accepte, vous donnez votre accord.

J'accepte
X
Newsletter AFRIK 21