Charles Balogoun : «Plus de 70% des terres arables sont déjà dégradées »

Par - Publié le / Modifié le

Charles Balogoun : «Plus de 70% des terres arables sont déjà dégradées »

Oyéoussi Charles Balogoun est le Représentant Afrique du Panel des ONG sous la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD/UNCCD). Le panel de la société civile (panel OSC) de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD) représente près 500 organisations accréditées auprès de la Convention. Charles Balogoun est également le Président au niveau mondial et Président du Conseil d’administration de l’organisation non gouvernementale (ONG) Afrique Espérance, Il répond aux questions d’Afrik21, sur l’état des lieux de la désertification en Afrique.

Quel état des lieux votre Panel fait-il de l’avancée du désert en Afrique ?

D’entrée de jeu, je souhaite dire un grand merci à votre organe de presse qui fait d’énormes efforts dans l’accompagnement des initiatives endogènes pour lutte contre les effets du changement climatique. Vous aviez été des nôtres dès le début en 2020 après que l’Institut Francophonie pour le développement durable (IFDD), un organe subsidiaire de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) nous ait octroyé une subvention pour la mise en œuvre du projet « valorisation des déchets organiques pour l’augmentation des revenus des groupements de femmes dans la commune de Zè au sud du Bénin».  Et donc pour répondre à votre question, avant la COP15 UNCCD tenue du 9 au 20 mai 2022 à Abidjan en Côte d’Ivoire, il a été procédé du Lancement de la 2e Revue du Rapport sur l’utilisation de la terre sur la planète (Global Land Outlook, second Edition). Les conclusions de ce rapport sont alarmantes et inquiétantes pour notre survie terrestre. D’après les experts commis à cette activité scientifique et de recherche, plus de 70% des terres arables sont déjà dégradées et donc inutilisables et infertiles ; il ne nous reste que 30% pour nourrir plus de 7 milliards d’individus sur le globe. Cet état de fait touche aussi la capacité de notre environnement à résorber l’influence des émissions de gaz à effet de serre (GES), causant des dommages sur la couche d’ozone et par ricochet traduisant le niveau élevé du réchauffement climatique. Il faut donc prendre des mesures pressantes et idoines pour y faire face. D’où l’intérêt des fortes résolutions et recommandation de la « Déclaration d’Abidjan »

Lors de la Cop15 sur la désertification du 9 au 20 mai 2022 en Côte d’Ivoire, de nombreux délégués du continent africain voulaient voir l’adoption d’un protocole additionnel sur la sécheresse, inspirée du protocole de Kyoto sur le climat.  Que fait votre panel pour soutenir l’adoption d’un pareil protocole lors de la COP16, qui se déroulera en 2024 en Arabie saoudite ?

Les points saillants de la COP15 UNCCD à Abidjan sont entre autres ; le plantage d’un milliard d’arbres d’ici à 2030, la restauration de plus de 30% des terres dégradées d’ici 2030 ; le renforcement de la résilience face à la sécheresse en identifiant l’expansion des zones arides, la création d’un Groupe de travail Inter Gouvernemental sur la Sécheresse pour 2022-2024 ; l’amélioration de l’implication des femmes dans la gestion des terres en tant qu’actrices ; combat contre les tempêtes de  sable et de poussière et d’autres risques de catastrophes croissantes ainsi que la promotion d’emplois décents liés à la terre pour les jeunes et l’entrepreneuriat des jeunes mais aussi soutenir leur participation au processus de la Convention. À ces différentes résolutions fortes, le CSO Panel branche Afrique en bonne intelligence avec l’UNCCD CSO PANEL (global) a déjà validé son plan de travail biennal. Il s’agit d’abord de faire l’état des lieux de l’existant c’est-à-dire des organisations accréditées et de ce qu’elles font sur le terrain. Cela nous permettra d’avoir une base de données fiable pour prendre des décisions et implémenter des projets conséquents.  Pour soutenir l’adoption d’un tel protocole, et je dois vous rappeler que ce sont les « Parties » (délégués des 195 États ayant ratifiés la Convention, Ndlr) qui ont le droit de vote, par contre les osc appelés encore « observateurs » peuvent faire des propositions et ne sont prises en compte que si l’Assemblée générale les trouve très pertinentes comme proposition. Voilà pourquoi nous préparons déjà un appel à contribution et à idée à travers un Google form pour recueillir la ou les contributions de nos pairs. Ce travail de longue haleine aboutira certainement à ce que l’on pourrait appeler « Contribution du continent africain au protocole additionnel ».

Lire aussi-COP15: restaurer 1 milliard d’hectares de terres dégradées d’ici à 2030

 

Un groupe de travail intergouvernemental sur la sécheresse avait été créé lors de la COP 15. Quels rapports entretient votre panel avec ce groupe ? 

Il s’agit d’appuyer  le travail de la présidence de la COP15 UNCCD dont les hautes charges sont dévolues à DONWAHI Richard et celle du Secrétariat exécutif conduite par IBRAHIM THIAW, d’un collègue d’experts (délégués de pays membres, membres des structures subsidiaires de la convention, la société civile, les ONG internationales, les experts et consultants en matière désertification et sécheresse, et le secteur privé). Deux élus de la société civile après avoir candidaté, l’un d’entre eux représente l’Amérique du Sud et des Caraïbes (Ana Di Pangracio). Vous remarquez bien que le Panel est bien représenté au sein de cet important groupe de travail.

Je profite aussi pour vous parler d’un autre groupe inter gouvernemental de travail, celui sur la revue à mi-parcours du Cadre stratégique 2028-2030 de l’UNCC, auquel j’appartiens en tant Chair (ou Président du CSO Panel).

Compte tenu des ravages de la désertification en Afrique, un phénomène qui réduit notamment la sécurité alimentaire, que fait votre panel pour donner à la  CNULCD, le même rayonnement que celui dont bénéficie la CNULCC ?

C’est une question très importante parce que le but de la présence des OSC aux côtés des populations vulnérables à la base, c’est bien de les aider à faire face à cet  important phénomène. Il s’agit donc de trouver des solutions simples en vue de leur permettre d’avoir des terres fertiles utiles pour leurs cultures et par ricochet sauver de la famine et assurer la sécurité alimentaire. Cela va des techniques simples aux plus complexes et éprouvées de restauration. Tout ceci mis sous le vocable de Land Degradation Neutrality (LDN)  ou  Neutralité de la Dégradation des sols ou  (NDS).

En réalité, l’objectif ultime du travail acharné et de longue haleine de la Convention est de sauver notre planète de l’héritage de notre terre nourricière, vivier de tout ce qui nous maintient en vie. Travailler inlassablement afin que la substance qui leur procure sa saveur ne lui manque.

Je voudrais saluer au passage le concours des autres agences des Nations unies qui appuient la Convention dans l’atteinte de ses nobles objectifs. Il s’agit notamment de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), le FME, et de certaines ONG internationales  telles que l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN).

Quels sont les projets de votre panel dans la lutte contre la désertification en Afrique ?

Il s’agit essentiellement de répertorier toutes les bonnes pratiques éprouvées sur le continent afin d’en faire une bonne base de données utile pour les partages d’expériences à travers un site officiel dédié pour la cause. Nous projetons bien débuter  une série de webinaires sur la formation et le renforcement de capacités des acteurs du panel sur des thématiques que nous rendrons disponibles très bientôt.

Au-delà de ce fait, nous tenons à organiser d’ici la fin de notre mandat, un forum international africain de la société civile sur les questions qui touchent la convention.

Propos recueillis par Boris Ngounou

Plus sur le même thème

Plus dans la même région

Nous respectons votre vie privée

Ce site utilise des cookies et des technologies statistiques pour améliorer votre expérience. En cliquant j'accepte, vous donnez votre accord.

J'accepte
X
Newsletter AFRIK 21