AFRIQUE : le solaire face au défi de l’électrification et la transition énergétique

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AFRIQUE : le solaire face au défi de l’électrification et la transition énergétique © Blue Planet Studio/Shutterstock

L’énergie solaire fait partie des solutions privilégiées pour l’électrification en Afrique. Cette énergie relativement facile à exploiter est aussi un allié pour la transition énergétique dans certains pays économiquement avancés, notamment l’Afrique du Sud et l’Égypte. Mais cette industrie fait face à plusieurs obstacles, notamment le manque de financement et le faible niveau de développement des infrastructures de transmission. AFRIK 21 revient sur cette énergie bon marché.

Selon la Banque africaine de développement (BAD), 600 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à l’électricité. Et l’une des solutions évidentes envisagées est l’exploitation du potentiel du continent en matière d’énergie solaire photovoltaïque. L’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena) estime le potentiel du continent africain en matière d’énergie solaire à 60 millions de TWh par an, contre 3 millions de TWh par an pour l’Europe par exemple. Les pays d’Afrique du Nord et australe sont les plus favorisés du continent. Le potentiel solaire est également considérable en Afrique de l’Est, dans la corne de l’Afrique et au Sahel. Tandis que le potentiel solaire est plus réduit en Afrique centrale, en raison de son climat équatorial et de ses écosystèmes dominés par des forêts qui réduisent la pénétration des rayons du soleil.

Alors que le potentiel du continent africain reste largement sous-exploité, beaucoup d’efforts sont nouvellement mis à contribution pour faciliter et accélérer le déploiement des installations de production d’énergie solaire en Afrique. Grâce à une politique favorable aux investissements des producteurs indépendants d’électricité (IPP), l’Afrique du Sud affiche par exemple une capacité solaire installée de 2 323 MWc selon Power Africa. Avec la baisse progressive des coûts d’exploitation de l’énergie solaire, l’Irena estime que l’Afrique pourrait acquérir une capacité solaire installée de 70 GW d’ici à 2030, à condition de mettre en place des politiques favorables aux investissements dans les énergies renouvelables. Actuellement, le continent affiche une capacité solaire installée de 12 GW selon le cabinet d’analyse Rystad Energy. Cette capacité a été développée à travers diverses solutions.

Les technologies exploitées en Afrique

Parmi les technologies de production d’énergie solaire mises en place en Afrique figure le solaire thermodynamique. Dans une centrale solaire à concentration (CSP, pour concentrated solar power), des miroirs captent des rayons du soleil de façon à générer des températures très élevées, entre 400 à 1 000 °C. La chaleur ainsi produite permet de transformer l’eau en vapeur dans une chaudière. Sous pression, la vapeur fait tourner une turbine qui entraîne un alternateur. C’est cet équipement qui produit un courant alternatif.

AFRIQUE DU SUD : Acwa Power refinance sa centrale solaire thermodynamique de Bokpoort©Acwa power

En Afrique du Sud, la centrale solaire thermodynamique de Bokpoort affiche une capacité de 50 MWe ©Acwa power

Il existe ainsi trois types de centrales solaires thermodynamiques dans le monde. Dans le cas d’une centrale à collecteur cylindrique, de longs miroirs tournent autour d’un axe horizontal pour suivre la course du soleil. Les rayons sont concentrés sur un tube dans lequel circule le fluide qui servira à transporter la chaleur vers la centrale. Dans la technologie collectrice parabolique, le rayonnement solaire est concentré sur la focale des paraboles orientables dans lesquelles se trouvent des mini-centrales électriques. Quant à la centrale à tour, un champ de miroirs orientables situés au sol renvoie les rayons solaires sur une chaudière située en haut… d’une tour.

En raison des coûts inhérents à l’installation de ces technologies, très peu de projets solaires à concentration sont mis en œuvre en Afrique actuellement. Les centrales existantes ou en construction sont localisées essentiellement en Afrique du Sud et au Maroc. Dans le pays de Nelson Mandela, l’IPP français Engie exploite la centrale de Xina Solar One et celle de Kathu, d’une capacité de 100 MW chacune. L’IPP saoudien Acwa Power exploite la CSP de Bokpoort de 50 MWe. Dans le royaume chérifien, l’entreprise saoudienne a construit plusieurs centrales de ce type au sein du complexe solaire de Noor Ouarzazate de 580 MW.

Le leadership du solaire photovoltaïque

Plus courantes, les centrales photovoltaïques sont équipées de plusieurs panneaux solaires. Dans une telle installation, les panneaux solaires captent les rayons du soleil. Sous l’effet de la lumière du soleil, le silicium, un matériau conducteur contenu dans chaque cellule, libère des électrons pour créer un courant électrique continu. L’onduleur transforme ce courant continu en courant alternatif pour qu’il puisse être plus facilement transporté par les lignes à moyenne tension du réseau.

Des mégaprojets solaires sur le continent

Le photovoltaïque est la technologie la plus développée en Afrique : des grandes centrales, connectées aux réseaux, aux systèmes solaires domestiques. Cette technologie est au cœur des mégaprojets d’exploitation de l’énergie solaire en Afrique. C’est le cas au sein du complexe solaire de Benban, situé dans le gouvernorat d’Assouan en Égypte. Il s’agit d’une mosaïque de 32 centrales solaires entièrement financées et construites par des IPP. Le complexe mis en service en 2019 affiche une capacité de 1 650 MWc.

Même si les autorités marocaines accusent du retard dans sa mise en œuvre, le complexe solaire de Noor Ouarzazate figure parmi les grands projets solaires développés sur le continent africain, avec une puissance installée actuelle (photovoltaïque et CSP comprises) de 580 MW. La mise en œuvre de ce projet s’inscrit dans le cadre du plan du gouvernement marocain visant à produire 52 % d’électricité consommée dans le royaume à partir des sources renouvelables à l’horizon 2030.

L’énergie solaire décentralisée ou la clé de l’électrification rurale en Afrique ?

Le développement de l’énergie solaire en Afrique est aussi porté par les systèmes décentralisés généralement financés et installés par des entreprises privées. Ces solutions sont composées de systèmes solaires domestiques. Ce petit réseau électrique à l’échelle d’une maison est composé d’un ou plusieurs panneaux solaires, des onduleurs et des batteries pour le stockage de l’électricité. L’électricité propre ainsi stockée est redistribuée à la demande dans le réseau domestique pendant la nuit ou par mauvais temps.

La distribution de ses équipements est facilitée par le système de payement à l’usage, dont le principal mode de payement est le mobile money, un service bancaire par téléphone portable disponible partout en Afrique subsaharienne, même dans les zones les plus reculées. De plus en plus, les systèmes solaires domestiques sont accompagnés d’autres services, notamment internet et la télévision. Ces équipements impactent réellement l’électrification des zones rurales. Récemment, l’entreprise américaine d.light a indiqué avoir fourni grâce à ses kits solaires l’accès à l’électricité à 100 millions de personnes dans le monde, dont la plupart se situent en Afrique. Outre les systèmes solaires domestiques, certaines entreprises fournissent des kits solaires complémentaires, notamment des lampes et des lanternes solaires.

AFRIQUE : le solaire face au défi de l’électrification et la transition énergétique

Un mini réseau électrique alimenté à l’énergie solaire au Nigeria © Rural Electrification Agency (REA)

Les mini-grids permettent aussi l’électrification des zones rurales. Il s’agit de petites centrales solaires photovoltaïques avec systèmes de stockage d’électricité par batteries ou hybridées avec des groupes électrogènes. Ces installations sont équipées de petits réseaux de distribution capables d’alimenter une communauté ou un village. Plus tard, si nécessaire les mini-grids pourront même être raccordés au réseau central. Mais, en République démocratique du Congo (RDC), l’entreprise Nuru déploie d’ores et déjà des mini-grids de plus de 1 MW qui alimentent des villes entières, à l’instar de Goma, le chef-lieu de la province du Nord-Kivu.

Au Nigeria, le pays le plus peuplé du continent (plus de 206 millions d’habitants en 2020, Ndlr), les autorités misent particulièrement sur les mini-grids pour la mise en œuvre d’un ambitieux projet d’électrification rurale (NEP) soutenu par la Banque mondiale et la BAD. Dans ce cadre, l’Agence d’électrification rurale (REA) favorise l’implantation des fournisseurs de mini-grids solaires en mettant en place un système de subventions basées sur la performance (PBG).

La barrière financière de l’énergie solaire

Le dynamisme observé dans le développement de l’énergie solaire fait naître de l’espoir. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que la capacité solaire installée du continent africain pourrait atteindre 125 MW d’ici à 2030. Mais le secteur se heurte à de nombreuses difficultés, notamment le manque de financement. « La faiblesse des investissements est la raison principale qui limite le déploiement de l’énergie solaire en Afrique », explique Mohamed Salah El Sobki, enseignant-chercheur en énergie au Zewail City of Science, Technology and Innovation. Selon cet ancien directeur de l’Agence égyptienne de régulation des services publics d’électricité et de protection des consommateurs (EgyptERA), la production photovoltaïque exige des investissements massifs.

Dans la note « Énergie solaire en Afrique : un avenir rayonnant ? », l’Institut Montaigne souligne le paradoxe du financement de l’énergie solaire à travers l’aide public au développement. Selon ce laboratoire d’idées basé en France, ce mode de finance fausse la concurrence et décourage les investisseurs privés de poursuivre leurs efforts. L’Institut Montaigne suggère d’allouer ces deniers publics à la construction d’infrastructures de réseaux, les réformes des cadres réglementaires propices aux investissements, ou encore à la mise en place d’outils de garantie couvrant certains risques, notamment politiques afin d’attirer davantage de capitaux privés. D’autant plus que la vétusté et l’absence des infrastructures d’évacuation d’électricité font partie des obstacles au développement de l’énergie solaire.

À cela s’ajoute le développement de cette énergie par petits projets. Si cette spécificité parait mieux adaptée à la demande locale et la capacité du réseau, elle présente toutes fois des inconvénients, notamment en matière de financement. Car, « les projets sont trop petits pour supporter le coût disproportionné de mobilisation des outils fournis par les banques de développement et abondés par les innombrables engagements des différentes COP qui se sont succédé. Ces outils doivent être urgemment repensés et adaptés aux projets solaires », plaide l’Institut Montaigne.

L’engagement des partenaires au développement

Face à ce défi, certaines institutions de financement du développement mettent en place leurs propres projets d’envergure régionale et sous-régionale. C’est le cas de la Société financière internationale (SFI) du groupe de la Banque mondiale qui étend son programme « Scaling Solar ». Ce programme mis œuvre au niveau mondial permet l’installation rapide de centrales solaires grâce aux partenariats public-privé (PPP). Pour l’heure, « Scaling Solar » se déploie au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Éthiopie, à Madagascar, en Zambie et plus récemment au Niger.

Au-delà de ses investissements dans des centrales solaires un peu partout en Afrique, la Banque africaine de développement (BAD) concentre ses efforts sur le Sahel, dont elle veut faire la plus grande zone de production d’énergie solaire en Afrique, à travers son initiative « Desert to Power ». Le programme qui entame sa phase de développement a déjà reçu un financement de 150 millions de dollars du Fonds vert pour le climat (FVC), pour sa facilité « Desert to Power G5 Sahel ». La BAD vise une capacité solaire installée de 10 000 MW dans le Sahel, l’équivalent de la production électrique d’un pays comme le Maroc, qui s’élève actuellement à 10 627 MW selon l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (Onee).

Il y a quelques mois, la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) a lancé le Programme de promotion des investissements privés dans le secteur des énergies solaires (PPIPS). Objectif : accélérer l’électrification via le solaire au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Le PPIPS couvrira donc le Burkina Faso, le Bénin, la Guinée-Bissau, le Mali, leNiger et le Togo, en créant un cadre favorable aux investissements du secteur privé dans le solaire.

Jean Marie Takouleu

 

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