« Une approche de financement mixte peut accélérer l’essor des énergies propres »

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« Une approche de financement mixte peut accélérer l’essor des énergies propres » © BOAD

Accès à l’électricité, énergies renouvelables, gaz et hydrogène. Dans cette interview accordée à Afrik 21 à l’occasion de la Semaine africaine du climat, Oumar Tembely insiste sur la contribution des banques de développement au processus d’électrification en Afrique. Pour le directeur du département Énergie et Ressources naturelles de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), les pays africains doivent aussi utiliser le gaz comme une énergie de transition.

[INTERVIEW PARTENAIRE] Jean Marie Takouleu : Dans le cadre de son Plan stratégique Djoliba 2021-2025, la BOAD va financer le déploiement d’une capacité électrique installée de 380 MW dans la zone UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine), dont 40 % d’énergies renouvelables. Deux ans après le lancement du plan, quel bilan à mi-parcours pouvez-vous dresser ?

Oumar Tembely : Avant tout propos, je voudrais rappeler que pour favoriser le développement harmonieux des États de l’Union, la BOAD, Institution de développement de l’UEMOA, s’est dotée en septembre 2020, d’un Plan Stratégique 2021-2025 dénommé plan Djoliba, en référence au majestueux fleuve Niger, si caractéristique de notre sous-région. Le montant global des engagements prévus pour le nouveau Plan Stratégique à son terme en 2025, est de 3 293 milliards de francs CFA, soit environ 5 020 millions d’euros.

Le Plan stratégique Djoliba (2021-2025) ambitionne un changement d’échelle, notamment, en termes de niveaux d’activité, renforçant l’action de la BOAD, en faveur de ses États membres et du secteur privé de l’UEMOA, et améliorant les conditions de vie des populations de l’Union. Les interventions de la BOAD sont donc axées sur des domaines prioritaires que sont (i) le transport et la digitalisation, (ii) l’énergie et les ressources naturelles, (iii) l’agriculture et la sécurité alimentaire, (iv) l’éducation et la santé, l’immobilier et l’habitat, et (v) les institutions financières et les participations, ciblant ainsi la majorité des objectifs de développement durable (ODD 1 à 13, et 15).

Concernant le domaine spécifique de l’énergie, l’ambition est effectivement d’installer 380 MW de capacité supplémentaire dont environ 40% d’énergies renouvelables, afin d’améliorer le taux d’électrification et la desserte énergétique dans la région. Des impacts transversaux sont attendus notamment : (i) 244 000 emplois créés dont 16 700 dans l’ensemble du tissu économique constitué par les PME/PMI avec une attention particulière pour les jeunes et les femmes, (ii) une contribution à hauteur de 3 710 milliards de francs CFA au produit intérieur brut (PIB) des États (soit une contribution annuelle estimée à 0,8% du PIB annuel de l’UEMOA), (iii) 580 milliards de francs CFA aux taxes fiscales et (iv) 18 millions de tonnes de CO2 évitées via les financements consentis.

Deux (2) ans et demi après sa mise en œuvre, la BOAD a financé l’installation de 205,9 MW de capacités additionnelles de production d’énergie électrique avec une part d’énergie renouvelable de 85,9 MW soit 41,72% de la puissance installée, contribuant ainsi à l’objectif du Plan.

Il y a près d’un an, votre institution a lancé le Programme de promotion des investissements privés dans le secteur des énergies solaires (PPIPS) avec le cofinancement du Fonds vert pour le climat (FVC). Quel est le but de cette initiative ? Comment contribuera-t-elle aux efforts d’électrification dans la zone UEMOA ?

Le Programme cible les six (06) pays les moins avancés de la zone UEMOA (Bénin, Burkina Faso, Guinée Bissau, Mali, Niger et Togo) caractérisés par l’un des taux d’accès aux services énergétiques modernes les plus faibles au monde, un coût élevé de l’électricité, une dépendance excessive aux combustibles fossiles et les défis qui en découlent en matière de sécurité énergétique. Sur la base des contributions déterminées au niveau national (CDN) et des plans énergétiques nationaux, lesdits pays prévoient d’atteindre 1 192 MW de capacité solaire installée d’ici 2030.

Ainsi, la mobilisation du secteur privé à grande échelle devrait permettre au programme d’atteindre cet objectif, notamment à travers la promotion d’une approche de « financement mixte » qui consiste à octroyer des ressources abordables de longue maturité aux promoteurs privés des projets de centrales solaires. Il permettra donc de réduire, entre autres, les risques financiers des projets et d’attirer les banques commerciales et publiques pour accroître les investissements dans le solaire en Afrique de l’Ouest.

Dans le cadre de sa mise en œuvre, le Programme fournira également des subventions pour renforcer les capacités des développeurs de projets locaux à structurer les investissements, notamment en termes de préparation et de gestion de projets. En outre, il contribuera à améliorer le cadre réglementaire, en renforçant les capacités des institutions publiques dans le secteur de l’énergie. Enfin, une assistance technique sera fournie pour renforcer la capacité de la BOAD à intégrer les aspects liés au changement climatique dans le cycle des projets.

D’un coût total de 133,5 millions de dollars, le Programme devrait contribuer à accroitre la capacité solaire existante à hauteur de 215 MW et favoriser un accès à l’énergie solaire à 2,9 millions de personnes, avec un impact estimé à 4,8 millions tCO2 équivalent évitées.

Face à l’urgence climatique, la diversification du mix énergétique devient un enjeu majeur. Que fait la BOAD pour accompagner les pays membres de l’UEMOA dans la diversification de leur mix énergétique ?

Comme sus-évoqué, les 205,9 MW déjà financés par la Banque en faveur des pays de l’Union et du secteur privé, sont constitués en partie de sources de production d’énergie propres notamment le solaire et l’hydroélectricité qui occupent 41,72% des investissements. La BOAD est aussi résolument engagée dans le développement de l’intégration sous-régionale à travers le financement des projets d’interconnexion électrique entre pays, afin de mutualiser les différentes sources d’énergie et sécuriser l’approvisionnement en électricité de la sous-région, tout en favorisant la réduction du coût du kilowattheure pour couvrir les besoins énergétiques des populations et de l’économie de l’Union.

Toujours en lien avec les enjeux climatiques, la BOAD a identifié dans le cadre de sa politique RSE, un certain nombre d’axes d’intervention dont l’axe 5 qui vise spécifiquement à « Lutter contre le changement climatique et développer les énergies renouvelables ». L’objectif est d’augmenter la part de ressources financières dédiées au financement des énergies renouvelables. Á l’horizon 2025, près de 18 millions de tonnes de CO2 évitées sont attendus via les financements consentis.

Toutes ces actions témoignent de l’engagement de la Banque dans la diversification du bouquet énergétique en vue de contribuer à la lutte contre les changements climatiques.

La question du gaz fait débat en Afrique de l’Ouest et dans le reste du monde. Des pays comme le Sénégal et la Mauritanie ont découvert des gisements de gaz naturel sur leurs côtes. Mais on observe une levée de boucliers de certaines organisations de la société civile contre l’exploitation de cette énergie fossile. Pourtant, le président sénégalais Macky Sall, lors du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial qui s’est tenu en juin 2023, a insisté sur la nécessité de considérer le gaz comme une énergie de transition. Quelle est la position de la BOAD sur la question ? La Banque va-t-elle poursuivre le financement des centrales à gaz ?

Dans la répartition des 380 MW de capacité supplémentaire visés à l’horizon 2025 par le plan Djoliba de la Banque, il est prévu une part de 40% environ pour les énergies renouvelables. Les 60% restants, soit 231,8 MW, seront constitués d’installation de production d’énergie de sources thermiques parmi lesquelles les centrales à gaz. Cela démontre très clairement que la BOAD est engagée dans le financement de projets de production d’électricité à partir du gaz.

Il reste bien entendu que toutes les dues diligences en matière de sauvegarde environnementale et sociale seront accomplies afin d’éviter ou atténuer les impacts possibles et favoriser son acceptation par les populations riveraines.

Afin d’accélérer la transition énergétique dans les industries lourdes et éventuellement remplacer le gaz, le monde s’oriente vers l’hydrogène. Le Mali abrite un gisement d’hydrogène naturel (ou hydrogène blanc) à Bourakébougou, à environ 60 kilomètres au nord-ouest de la capitale Bamako. Comment accompagnez-vous ce pays pour l’exploitation de cette ressource naturelle ?

Concernant l’hydrogène naturel du Mali, la BOAD reste disposée à fournir l’assistance technique et financière nécessaires, en vue de son exploitation pour la production d’électricité, si toutefois le pays et le secteur privé impliqué en font la demande.

D’ores et déjà, des échanges sont en cours avec le promoteur et d’autres parties prenantes, afin de préparer les documents nécessaires pour le financement des études de faisabilité d’un projet pilote d’électrification, à partir de l’hydrogène et tirer les leçons quant à l’utilisation possible de cette source d’énergie pour contribuer à l’accès à l’énergie des pays de l’Union.

La BOAD prépare-t-elle une stratégie pour des investissements dans la filière naissante de l’hydrogène ?

Il convient de relever qu’en droite ligne du lancement du plan Djoliba et la mise en place de l’organigramme y afférent, la BOAD a entamé l’élaboration et/ou l’actualisation des stratégies des cinq (05) départements sectoriels. La filière hydrogène, en tant que source d’énergie au même titre que le gaz naturel par exemple, sera traitée dans la stratégie du sous-secteur des ressources naturelles. En tant que source d’énergie propre, nous avons bon espoir que l’hydrogène (vert ou naturel), occupera, dans les années à venir, une place importante dans le financement de la transition énergétique par la BOAD.

Des propos recueillis par Jean Marie Takouleu

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