Dimitri Fone: «je rêve d’une Afrique électrifiée, connectée à internet et à la paix»

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Dimitri Fone: «je rêve d’une Afrique électrifiée, connectée à internet et à la paix» © Dimitri Fone

Parmi les 140 jeunes leaders africains ayant participé au Sommet Bridge Africa organisé par l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) figure Dimitri Fone. Ce Camerounais résident permanent au Maroc est consultant en Stratégie et ingénieur de l’automobile. Dans cet entretien il évoque son parcours, sa vision en matière de transports et ses souhaits pour le rayonnement des villes du continent.

Parmi les 140 jeunes leaders africains ayant participé au Sommet Bridge Africa organisé par l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) figure Dimitri Fone. Ce Camerounais résidant permanent au Maroc est consultant en Stratégie et ingénieur de l’automobile. Dans cet entretien il évoque son parcours, sa vision en matière de transports et ses souhaits pour le rayonnement des villes du continent.

Benoit-Ivan Wansi : Vous avez participé du 6 au 8 mai 2024 au Sommet Bridge Africa piloté par l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P). Quelles étaient vos attentes pour cet évènement ?

Dimitri Fone : Mes attentes se résument en deux principaux points. Premièrement, au niveau du networking, c’est-à-dire de rencontrer d’autres jeunes leaders africains qui comme moi ont l’envie et l’engouement nécessaires pour contribuer à faire rayonner notre continent. Deuxièmement, mes attentes portaient sur le programme en lui-même qui vise à mettre en place une nouvelle initiative de leadership qui pourrait se distinguer de ce qui existe déjà.

Pouvez-vous présenter brièvement votre parcours académique et professionnel ? Pourquoi avoir choisi le Maroc pour vous former et travailler alors que bien des jeunes africains sont plus attirés par l’Europe et l’Amérique ?

Je suis un Camerounais « rêveur à temps plein » et très enthousiaste à l’idée de contribuer au développement du continent africain. À propos de mon parcours académique, j’ai obtenu le baccalauréat scientifique au collège François Xavier Vogt à Yaoundé au Cameroun. Par la suite, j’ai décroché une bourse d’études qui m’a permis de venir étudier à la faculté des Sciences et techniques de Marrakech. Or, le Maroc ne faisait pas initialement partie de mes choix, mais la France oui. Après deux années d’études en mathématiques, informatique et physique, j’avais l’opportunité de pouvoir participer au concours de l’une des plus prestigieuses écoles d’ingénierie marocaine. Cela m’a permis de travailler en tant qu’ingénieur dans la conception et les performances thermiques, etc. Un peu plus tard, je suis passé dans un cabinet de conseil.

Le groupe automobile international Stellantis pour lequel vous avez travaillé ces dernières années s’est doté d’une usine dans la ville marocaine de Kénitra où est produit son modèle de véhicule électrique « Opel Rocks-e ». Avez-vous joué un rôle précis sur le plan technique ?

J’étais tout juste un jeune ingénieur en début de carrière. J’avais à peu près une connaissance globale des activités qui s’y déroulaient. Mais j’étais précisément impliqué sur des projets recherche et développement automobile où je devais me rassurer de la performance et du confort des moteurs.

Quel regard portez-vous sur l’électromobilité à l’heure où les politiques de décarbonation ne sont pas du goût de tous les constructeurs automobiles et des climatosceptiques ? Faut-il la développer en masse jusqu’à la disparition des véhicules thermiques ou tout simplement naviguer avec les deux ?

C’est une question très délicate. Et pour être tout à fait franc, je suis assez mitigé. D’abord parce que je pense que l’Afrique doit faire ce pas vers l’électromobilité. Toutefois, c’est sans prendre exactement le même chemin que les autres (Occident, Nldr) puisque la fabrication des véhicules électriques quoiqu’utile à la transition écologique n’est pas forcément neutre en carbone au regard de la chaine de valeur qui génère la pollution (extraction des minerais pour les batteries, etc.). Mais leur utilisation ne dégrade pas la qualité de l’air sur les territoires. J’opte donc pour une cohabitation entre les engins thermiques et les engins électriques.

Lorsqu’on s’intéresse aux problèmes énergétiques auxquels nous sommes confrontés en Afrique subsaharienne, la voiture électrique est une roue de secours à ne pas négliger.

Il faut également noter que certaines villes européennes y compris Londres au Royaume-Uni, vont interdire les véhicules thermiques d’ici à 2030. Du coup, certains constructeurs automobiles sont réalistes et s’y préparent. C’est le cas justement de Stellantis qui s’est doté d’un plan stratégique pour cette transition.

À Casablanca où vous vivez, les logiciels prennent le contrôle de la circulation routière depuis 2016. C’est grâce à un système de surveillance composé de 760 caméras connectées à 220 kilomètres de fibre optique. Des initiatives inimaginables en Afrique subsaharienne. Est-ce le manque de volonté, de compétences ou de finances qui freine la mobilité intelligente dans la région ?

Ce n’est pas nécessairement un manque de finances, parce qu’aujourd’hui il y a des finances qui sont là. Je pense qu’aujourd’hui le problème est le manque de priorisation, ce qui n’est pas un exercice facile sachant qu’il y a tellement de chantiers et du coup, nos dirigeants ne savent spécifiquement pas choisir sur quoi il faut travailler.

C’est compliqué de mettre en place un système de surveillance sur les autoroutes de ces pays d’Afrique subsaharienne puisqu’avant cela il faudrait qu’on puisse déjà avoir des infrastructures routières qui puissent être adaptées.

Lorsqu’on parle de réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO2) des déplacements humains, le transport aérien est souvent oublié. Pour avoir bossé avec les équipes de maintenance de Royal Air Maroc (RAM), pouvez-vous nous dire ce que les compagnies aériennes peuvent faire pour réduire l’impact environnemental de leurs trajets ?

Mon expérience de quelques mois au Centre de maintenance technique de la RAM a été bénéfique dans la mesure où j’ai effectivement touché du doigt certaines évolutions telles que l’estimation de l’empreinte carbone de chaque passager à bord. Les compagnies aériennes misent également sur la recherche et le développement (R&D) pour atteindre l’objectif commun d’avoir d’ici les 25 prochaines années des avions à hydrogène vert. Aussi, le simple fait d’aborder déjà ces sujets, d’en débattre plus qu’avant, est un bon signe pour le domaine de l’aviation civile.

Malgré ses efforts, le gouvernement de Yaoundé n’est pas encore à jour dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD). De quel Cameroun rêvez-vous ? Racontez-nous la ville imaginaire et idéale que vous souhaitez à vos compatriotes.

Je rêve d’un Cameroun qui aurait juste des infrastructures routières adaptées, où il n’y aura plus de délestages fréquents et avec une bonne connectivité numérique pour l’accès à internet. Mon Afrique c’est donc une ville imaginaire connectée et en paix, loin des crises comme ce qui se passe depuis plusieurs années dans certaines régions.

En attendant, quelle cité camerounaise se démarque sur le plan de la durabilité ?

En dehors de la capitale Yaoundé, j’ai visité Limbe dans la région du sud-ouest. C’est une ville que j’ai trouvée extrêmement propre, incroyable et résiliente.

Propos recueillis par Benoit-Ivan Wansi, envoyé spécial au Maroc.

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