AFRIQUE : la Banque mondiale accusée de financer les énergies fossiles, à tort ?

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Banque mondiale

Un pool de médias allemands a publié mi-avril 2019 une enquête, réalisée à partir du rapport de l’ONG Urgewald, qui met en cause la Banque mondiale. Reniant ses engagements en faveur du climat, l’institution de Bretton woods, continuerait de financer les industries fossiles... en douce. Notamment à travers ses filiales, par exemple à Nacala (Mozambique) et à Lagos (Nigéria). L’affaire n’est pas si simple...

La Banque mondiale, pas si « verte » que cela ? L’institution financière est accusée par un pool d’enquêteur issus de médias allemands très respectés, Süddeutsche Zeitung (SZ), Deutsche Welle (DW) et Norddeutscher Rundfunk (NDR), de continuer de financer les énergies fossiles, en contradiction flagrante avec ses engagements publics en faveur du climat.

Certes, la Banque mondiale s’engage sur un programme d’investissement en faveur du climat de 22,5 milliards de dollars sur cinq ans sur le continent africain. C’est l’engagement qu’elle a pris mi-mars au One Planet Summit, à Nairobi, au Kenya. Las, le rapport de l’ONG allemande Urgewald, sur lequel s’appuie l’enquête des médias allemands, lui reproche de continuer de financer les énergies lourdement émettrices de gaz à effet de serre.
À travers ses filiales, elle aurait ainsi financé entre 2014 et 2018 la production de pétrole, de gaz et de charbon, à hauteur de 12 milliards de dollars contre cinq milliards seulement qui seraient allés aux énergies renouvelables.

Pour sa défense, la banque fait valoir que de nombreux engagements ont été pris avant les accords de Paris, lors de la COP21, et que son nouvel engagement en faveur des énergies renouvelables, en Afrique notamment, est désormais exemplaire. Ce qui est vrai.

Mais la Süddeutsche Zeitung maintient que certaines pratiques perdurent, à travers ses filiales notamment, et de manière discrète, voire camouflée. Ainsi le journal bavarois pointe-t-il deux opérations en particulier, au Mozambique et au Nigéria.

Au Mozambique, par exemple, les subventions récentes de la Banque mondiale pour « combattre la pauvreté » auraient permis au gouvernement de baisser les impôts pour les investisseurs dans les mines de charbon. Tandis que sa filiale, spécialisée dans le financement privé, l’International Finance Corporation (IFC), aurait précédemment largement investit dans la ligne de chemin de fer destinée à l’acheminement du charbon sur le port de Nacala, dont le projet d’infrastructures ferroviaires et portuaires, mené par les miniers Vale et Mitsui, a par ailleurs été primé l’année dernière par un jury d’experts.

L’IFC, encore lui, aurait également financé la plus grande raffinerie au monde actuellement en construction à Lagos. Certes, les 150 millions de dollars sont formellement destinés à l’établissement de production d’engrais attenants à la méga-usine. Mais qui fera la séparation comptable sur place, s’interrogent les journalistes allemands. D’autant que l’IFC détient des parts dans cinq banques qui auraient directement financé ce projet gigantesque, à 14 milliards de dollars.

Que faut-il en penser ? Qu’indéniablement la transition climatique est en marche à la Banque mondiale et que ses efforts en faveur des énergies renouvelables sont exemplaires. Mais que, comme toujours en période de changement, certains réflexes du passé peuvent encore subsister ici et là. Ne serait-ce parce qu’il n’est pas toujours facile d’arbitrer entre des enjeux de développement local et les urgences environnementales. Même s’il semble illusoire de protéger les populations en détruisant leur environnement.

Il faut donc faire crédit à la Banque mondiale de ses engagements relativement récents, conformes à la transition à l’œuvre chez de nombreux bailleurs de fonds. Mais on doit aussi maintenir une certaine vigilance. Et d’ailleurs, le nouveau patron de la banque, David Malpass, a récemment confirmé l’engagement de la banque en faveur du climat.

Christoph Haushofer

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