AFRIQUE : face à l’urgence climatique, des engagements concrets de la BOAD

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AFRIQUE : face à l’urgence climatique, des engagements concrets de la BOAD

Atténuation, adaptation et résilience au changement climatique. C’est le véritable cheval de bataille des pays africains confrontés au dérèglement climatique qui se manifeste par la recrudescence des épisodes de sécheresse, la modification du rythme des saisons et les inondations qui impactent le processus de développement. À l’occasion de la Semaine africaine du climat 2023 qui commence ce 4 septembre, AFRIK 21 passe en revue les initiatives de la Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD) en faveur de la résilience et l’adaptation au changement climatique.

[ARTICLE PARTENAIRE]  De Taoudénit à Agadez en passant par Dakar, Abidjan ou Lomé, le Sahel et l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest font face au changement climatique qui exige des réponses urgentes pour la résilience et l’adaptation des populations. La réponse est surtout infrastructurelle et financière. La Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD) en a fait son crédo dans un contexte global marqué par le manque de financement climatique.

C’est dans ce contexte que la banque basée à Lomé au Togo met en œuvre son Plan stratégique Djoliba qui définit ses priorités au sein de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) pour la période 2021-2025. Dans ce cadre, elle a décidé de consacrer 25 % de ses engagements financiers, soit 825 milliards de francs CFA (1,2 milliard d’euros) au renforcement de la résilience des populations au changement climatique.

Le financement de l’adaptation au changement climatique

Dans le troisième axe du Plan stratégique Djoliba, il est également prévu « la mobilisation auprès des fonds climat, d’un montant de 175 milliards de francs CFA (plus de 266 millions d’euros), pour le financement des projets d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, le tout en lien avec la question de la biodiversité. Ces prévisions correspondent à un portefeuille de projets à instruire d’un montant global de 1 000 milliards de francs CFA (un peu plus de 1,5 milliard d’euros), sur la période de mise en œuvre du plan stratégique », explique Dr. Komlanvi Moglo, spécialiste en finance climat à la BOAD.

Sur le terrain, cette stratégie se déploie à travers le financement des projets structurants dans plusieurs secteurs clés, notamment l’agriculture, l’énergie, l’écoconstruction, les déchets ou encore la mobilité électrique. Ainsi, la banque a accordé en mars 2023, un financement de 35 millions d’euros à l’État du Niger pour la mise en œuvre du Projet d’aménagement hydroagricole avec des pratiques agricoles intelligentes et résilientes au changement climatique (PAHA-AIC).

Le financement de l’agriculture face au climat

Le PAHA-AIC permettra d’améliorer les rendements agricoles, réduisant ainsi l’insécurité alimentaire exacerbée par la sécheresse, les inondations et l’érosion. Au Niger, l’agriculture représente près de 40 % du produit intérieur brut (PIB) selon le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (Unops).

Pour renforcer la résilience des agriculteurs dans les régions d’Agadez, Tahoua, Maradi, Zinder et Diffa, le PAHA-AIC permettra l’aménagement de 1750 hectares de terres agricoles à travers l’installation de systèmes d’irrigation au goutte-à-goutte et californien. Le projet porte également sur la réalisation de forages équipés de pompes solaires et la construction de réservoirs de stockage. Les capacités techniques et organisationnelles des groupements d’agriculteurs seront également renforcées pour la gestion de ces installations et la mise en œuvre d’autres actions en faveur de la résilience au changement climatique.

Pays voisin du Niger, le Mali bénéficie aussi du soutien de la BOAD pour l’adaptation de son secteur agricole au dérèglement climatique. En janvier 2023, la banque a accordé un financement de 12 millions d’euros pour la réhabilitation et l’extension des périmètres agricoles endommagés lors de la montée des eaux du fleuve Niger qui baigne les villes de Bamako, Koulikoro, Ségou, Mopti, Tombouctou, Gao et Ansongo.

En décembre 2020 par exemple, la digue de la plaine rizicole de Daye s’est rompue après de fortes pluies, engendrant l’inondation de 2 829 hectares de cultures dans 126 villages, avec plus de 50 hectares de riz en état de maturité. Des cultures maraîchères ont également été inondées au niveau des parcelles hors casiers et 5 502 ménages y ont perdu la totalité de leurs productions. Le financement de la BOAD permettra la réhabilitation des périmètres agricoles de Korioumé (430 hectares), Daye (417 hectares) et Hamadja (620 hectares), tous situés dans le cercle de Tombouctou.

Un Marketplace pour catalyser la finance climat

Au cours des prochains mois, la BOAD compte décupler ses financements climatiques, notamment à travers le Marketplace, une nouvelle initiative en cours d’implémentation en Afrique. Il se présente en trois phases dont la première prendra place à l’occasion du « West African Carbon Market Hub » qui se déroule du 26 au 28 septembre 2023 à Abidjan en Côte d’Ivoire. Un appel à projets sera alors lancé dans l’optique d’identifier un groupe de projets susceptibles d’être accompagnés par la BOAD ou d’autres institutions financières.

La deuxième phase consistera à soumettre les projets identifiés aux avis d’analystes et ingénieurs financiers. Ces derniers amélioreront les projets retenus et les renforceront par des critères de lisibilité. Cette phase sera mise en œuvre lors du 5e Sommet Climate Chance prévu du 23 au 25 octobre 2023 à Yaoundé au Cameroun. La dernière phase se tiendra lors de la 28e Conférence des Nations unies sur le climat (COP28) du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï aux Émirats arabes unis. Il s’agira de présenter les six meilleurs porteurs de projets du Marketplace à un parterre d’acteurs de la finance climat, réunit à l’occasion d’un évènement organisé en marge des travaux de la COP28. Le but étant de trouver des financements adéquats et adaptés aux projets.

« Le Marketplace vient corriger des défaillances observées chez certains porteurs de projets en Afrique. Beaucoup sont confrontés au niveau des sources de financement. Ils ne connaissent pas toujours les mécanismes liés au financement de l’étude de projet, de la dette ou du suivi du projet. D’autres parviennent parfois à lever des ressources, sans que celles-ci ne soit forcément adaptées, du coup cela déteint la réalisation des projets », explique Moubarak Moukaila, le Responsable du Centre Régional de Collaboration (CRC) de Lomé au Togo, l’organe initiateur du Marketplace.

Créé en janvier 2013, le CRC de Lomé est le fruit du partenariat entre le Secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et la BOAD. Le CRC de Lomé est le premier des six qui existent aujourd’hui à travers le monde. Il couvre vingt-six pays en Afrique francophone de l’ouest et du centre. Véritable bras séculier de la BOAD dans la finance climatique, le CRC de Lomé a pour mission d’apporter aux gouvernements, aux organisations non gouvernementales (ONG) et au secteur privé, un appui en matière de préparation et d’exécution de projets du Mécanisme de développement propre (MDP). Une mission qui s’inscrivait dans le cadre du Protocole de Kyoto et par la suite, dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris, à travers les contributions déterminées au niveau national (CDN), ainsi que les autres mécanismes de la CCNUCC.

Une nouvelle accréditation par le FVC

Les financements alloués par la BOAD au profit des projets d’atténuation et d’adaptation au changement climatique sont destinés à la mise en œuvre des Contribution Déterminées au niveau National (CDN) des pays membres, de la contribution aux objectifs de l’Accord de Paris mais aussi à la réalisation des objectifs du Fond vert pour le climat (FVC). Ainsi au terme de sa 36ème  session organisée du 10 au 13 juillet 2023 en Corée du Sud, le conseil d’administration du FVC a réaccrédité la banque, tout en relevant sa capacité de mobilisation. L’institution financière peut désormais mobiliser jusqu’à 250 millions de dollars, soit environ 146 milliards de francs CFA par projet au profit des États membres UEMOA.

« Ces derniers pourront bénéficier des dons et prêts à des taux compris entre 0 et 1,75 % ainsi que des garanties et des lignes de refinancement pour la lutte contre les effets néfastes des changements climatiques », explique le Dr. Komlanvi Moglo, spécialiste finance climat à la BOAD. Et d’ajouter que cette ré-accréditation intervient dans les domaines de résultats du FVC tels que les infrastructures, la production et l’accès à l’énergie, les moyens de subsistance des personnes et des communautés, les forêts et l’utilisation des terres, les écosystèmes et les services écosystémiques, la santé, l’alimentation et la sécurité hydrique.

Aussi, « la BOAD renforce la participation du secteur privé à travers la promotion du verdissement du secteur financier et l’innovation financière pour accroître les investissements privés en faveur du climat », explique le Dr. Komlanvi Moglo. Il s’agit de la deuxième accréditation délivrée à la BOAD par le FVC, après la première, en octobre 2016. Les nouvelles ressources allouées par le FVC renforceront le déploiement de la Banque dans la lutte contre les changements climatiques, conformément à son Plan stratégique actuel et futur.

Boris Ngounou

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