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Recyclage des eaux usées urbaines en eau potable : les coulisses avec Jacques Momeux

©Bilanol/Shutterstock

Imaginez un monde où l’eau potable serait disponible 24 heures sur 24, le matin, à midi et le soir… Cet idéal serait à portée de main selon plusieurs experts du secteur de l’eau à l’instar de Jacques Momeux, le président de la société France industrie assainissement (FIA), spécialisée dans le traitement de l’eau. Pour cela, il suffirait de tirer parti des eaux usées (domestiques ou urbaines, industrielles, agricoles, grises, etc.), une ressource précieuse dans un monde où l’eau douce disponible est limitée et la demande en hausse.

Aujourd’hui encore, une bonne partie de ces effluents est rejetée dans la nature sans être ni collectée ni traitée, déplore l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). C’est particulièrement vrai dans les pays à faibles revenus, situés pour la plupart en Afrique, qui traitent en moyenne 8 % des eaux usées, contre 70 % dans les pays développés. Le manque d’expertise serait l’une des causes majeures du faible niveau d’exploitation des eaux usées pour pallier les pénuries d’eau. En 2022, 418 millions d’Africains vivaient encore sans eau potable selon le Fonds des Nations unies pour l’Enfance (Unicef).

Revue de détail des différentes étapes de recyclage

Toutefois, éliminer tout risque sanitaire des eaux usées, notamment urbaines, n’est pas une mince affaire, et Jacques Momeux nous dit pourquoi.

Dans les faits :

D’abord, les eaux usées urbaines sont collectées auprès des ménages, des entreprises et d’autres sources par un système de canalisation et transportées vers une station d’épuration où elles sont analysées. L’objectif est de déterminer si elles proviennent d’une source dite classique ou si elles sont saumâtres. Dans le second cas, elles devront au préalable être dessalées avant le passage à l’étape suivante qui est prétraitement.

Au cours de la phase de prétraitement, les particules telles que les gros débris, les solides en suspension et les matières flottantes sont éliminées des eaux usées. Les grilles sont utilisées pour retenir les débris, les décanteurs pour séparer les solides et les liquides, ainsi que des processus de tamisage pour éliminer les objets plus gros.

Les eaux prétraitées passent ensuite par un processus de traitement biologique dans des bassins d’aération où des micro-organismes y dégradent les matières organiques présentes.

Débarrassées des matières organiques, les eaux usées sont ensuite soumises à un traitement avancé qui peut inclure plusieurs étapes telles que la filtration à travers des membranes, l’osmose inverse pour éliminer les contaminants restants, l’adsorption sur charbon actif pour absorber les composés organiques, et éventuellement une désinfection supplémentaire par ultraviolet (UV). Une ozonation ou chloration est également nécessaire pour éliminer les bactéries, les virus et autres micro-organismes des effluents.

Après ce traitement approfondi, l’eau est considérée comme étant de qualité suffisante pour être transformée en eau potable. Elle peut être stockée dans des réservoirs d’eau potable avant d’être distribuée aux ménages et entreprises via des réseaux de distribution.

Ce procédé décrit par Jacques Momeux est le même utilisé dans ses stations d’épuration compactes, mobiles, modulaires et moins chères déployées dans plusieurs pays. Pour l’expert, l’idée est d’avoir plusieurs écosystèmes décentralisés et vertueux qui génèrent de la richesse. « La première difficulté dans cette pratique est qu’il n’y a pas de procédé strict pour le recyclage des eaux usées urbaines en eau potable, mais 100 000 réponses différentes pour 100 000 problématiques. Aussi, nous avons une base de travail et nous venons ajouter des briques en fonction des polluants qui seront présents dans les eaux usées destinées au recyclage », explique Jacques Momeux.

Il y a également la difficulté de maintenir une qualité d’eau constante et conforme aux normes de potabilité tout au long du processus, les variations dans la composition des eaux usées entrantes pouvant affecter l’efficacité du traitement. Il faut aussi faire face à la résistance du public sur la qualité de l’eau potable et aux réglementations très strictes en matière de potabilisation de l’eau, qui rendent le processus plus complexe et exigeant. Confrontée au stress hydrique, la ville de Windhoek en Namibie a réussi ce pari et recycle ses eaux usées municipales en eau potable depuis 1968.

Si le recyclage des eaux usées en eau potable est techniquement possible, il y’a tout de même un défi financier pour les municipalités et les entreprises qui veulent s’y lancer. Des financements importants seront nécessaires selon le type d’eaux usées. « Il y’a un coût qui reste raisonnable par rapport à l’enjeu sanitaire. Après effectivement, plus vous avez des variétés de contaminants qui sont importants (arsénique, des poisons, du mercure, etc.), plus la technologie va être élaborée. Et qui dit élaboré, dit un coût d’approche plus important », explique Jacques Momeux.

Panorama des autres procédés de recyclage d’eaux usées

 

Inès Magoum

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