GUINÉE : le boom de la bauxite, financé par la SFI, menace les hommes et les singes

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GUINÉE : le boom de la bauxite, financé par la SFI, menace les hommes et les singes©CherylRamalhoShutterstock

L’exploitation de la bauxite connait une croissance fulgurante dans la région de Boké, au nord-ouest de la Guinée. En quelques années, cette activité a propulsé la Guinée au rang de troisième producteur mondial de bauxite. La ruée vers l’or rouge n’est cependant pas sans dangers. Elle détruit l’environnement, ainsi que le cadre de vie des hommes et des chimpanzés. Près de 2800 individus de ces grands singes en voie de disparition pourraient mourir, si rien n’est fait.

En Guinée, l’expansion fulgurante de l’exploitation de la bauxite à Boké, soutenue par la demande mondiale croissante d’aluminium, rencontre de plus en plus d’opposition chez les populations locales. Dans la plus importante région minière de Guinée, des acteurs de la société civile dénoncent l’expropriation des terres et la destruction de l’environnement. « Quand les entreprises s’installent, elles s’accaparent des terres, parfois sans compensation à la hauteur des superficies perdues. Après les opérations de déguerpissement, une grande partie des paysans héritent de parcelles plus petites que celles qu’ils ont été forcés de quitter. », a déclaré Pascal Tanguiano, directeur du Centre du commerce international pour le développement (Cecide).

En dehors de la destruction des terres agricoles, principal moyen de subsistance des villageois, le Cecide recense également d’autres dégâts sur l’environnement comme la déforestation, la pollution et la destruction des ressources en eau.

Des éléments contenus dans une plainte déposée en mars 2019, par le Cecide et un collectif de 13 villages de la région de Boké. Déposée devant le Bureau du médiateur de la Banque mondiale, la plainte est dirigée contre la Société financière internationale (SFI). L’on reproche à cette dernière d’avoir aggravé l’impact négatif de l’activité minière à Boké, à travers un prêt de 135 millions d’euros qu’elle a accordé en 2016 à la Compagnie de bauxite de Guinée (CBG), principale entreprise minière de la région, détenue à 49 % par l’État et à 51 % par les entreprises Rio Tinto et Alcoa. Entre-temps, CBG a certes contribué à créer, il y a un an de cela, le Réseau bauxite environnement (RBE), une plateforme d’échanges et de collaboration sur les bonnes pratiques environnementales et de biodiversité, pour mieux atténuer les impacts cumulatifs des activités minières. Mais on en attend toujours des mesures concrètes et efficaces…

Sachant que, d’après les informations de notre confrère Reporterre, l’apport de la SFI a eu un effet de levier et « 473 millions de dollars ont été empruntés auprès d’un consortium de banques commerciales : Société générale, BNP Paribas, Crédit agricole, Natixis, la branche allemande de la banque ING (ING-DiBa AG) et deux banques guinéennes, la SGBG et la Bicigui. » Il n’est d’ailleurs pas impossible que les établissements français aient un jour à rendre compte en France des impacts sur les droits humains des infrastructures qu’elles ont financées en Guinée, en application de la loi sur le devoir de vigilance de 2017, sur la base de laquelle une plainte pourrait être déposée prochainement contre Total. Sans compter que le mouvement en ce sens commence à se généraliser en Europe. L’Allemagne réfléchit également à une loi sur le devoir de vigilance et la Cour suprême du Royaume-Uni vient de décider que le minier Vedanta serait traduit en justice à Londres pour la pollution de sa filiale en Zambie.

Les chimpanzés ne sont pas en reste

En attendant, la Guinée abrite environ la moitié des chimpanzés d’Afrique de l’Ouest, espèce en voie d’extinction dans le monde. L’essentiel de ces primates est logé au parc national du Moyen-Bafing à Boké, qui recèle près de 5 300 chimpanzés.

Mais, même dans ce lieu dédié à leur préservation, les grands singes ne sont pas à l’abri. Selon la Wild Chimpanzee Foundation (WCF), la présence d’une mine de bauxite et d’un barrage hydroélectrique de 294 mégawatts, prévu à l’intérieur même de la zone protégée, menace 2 800 de ces grands singes.

Les primatologues craignent en effet que la région d’Afrique de l’Ouest perde son principal centre de préservation de grands singes. Car la population de chimpanzés occidentaux (Pan troglodytes verus) a considérablement diminué au cours des trois dernières décennies. On estime actuellement le nombre de spécimens à environ 53 000, contre 175 000 environ en 1990. « Nous avons perdu nos lions en Afrique de l’Ouest. La population de chimpanzés a chuté au cours des 20 dernières années. Je crains que si nous ne faisons pas plus en termes de conservation en Afrique de l’Ouest, nous les perdions complètement », déclare Abdul Tejan-Cole, directeur de campagne du groupe de défense de l’environnement Mighty Earth.

La SFI, filiale de la Banque mondiale, qui est donc accusée de financer en Guinée des activités minières portant atteinte aux droits humains et à l’environnement et également mise en cause par un groupe de médias allemands pour ses investissements en faveur des hydrocarbures, quand la Banque mondiale s’évertue à s’engager dans la transition énergétique en finançant les énergies renouvelables. À l’heure des menaces planétaires sur le climat et la biodiversité, il semble un peu anachronique de voir certaines institutions internationales et des groupes mondiaux imaginer pouvoir échapper indéfiniment à leur responsabilité globale.

Boris Ngounou

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