Afrique : très rentable, le crime environnemental attaque les économies africaines

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Crime-environnement © De Kletr - Shutterstock

Un rapport publié en septembre 2018 par Onu Environnement et Interpol établit que les crimes environnementaux prennent de plus en plus d’ampleur dans le monde. En Afrique, des mesures commencent à être déployées sur le terrain pour stopper ce phénomène qui rouille l’économie, en particulier le tourisme.

Il ne fait pas la « Une » de tous les médias, contrairement au trafic de stupéfiants ou le blanchiment de capitaux. Pourtant, le crime contre l’environnement se présente comme un ver, qui tue en silence l’économie mondiale. Un rapport, publié en septembre 2018, par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (Pnue) et Interpol présente l’état des lieux chiffré. Il est alarmant et interpelle au plus haut niveau. Car ces crimes sont très rentables et le risque particulièrement faible. « Il est largement admis que les crimes contre l’environnement font partie des formes les plus rentables des activités criminelles transnationales. Selon les estimations, leur valeur se situait en 2016 entre 91 et 259 milliards de dollars américains. » Et les rapporteurs d’enfoncer le clou : « Il s’agit probablement de la quatrième activité criminelle la plus lucrative au monde, après le trafic drogue, la contrefaçon et le trafic d’êtres humains. » Selon le Pnue, les crimes environnementaux sont d’ailleurs en hausse constante, de 5 et 7 % chaque année.
La forêt est présentée comme étant la première victime, car le commerce illicite du bois a généré, a lui seul, entre 50 et 152 milliards de dollars. Il est suivi de la pêche illicite, qui rapporte quant à elle entre 10 et 2 milliards de dollars chaque année. Selon Interpol, « la somme d’argent perdu à cause des crimes contre l’environnement est 10 000 fois plus élevée que celle dépensée par les agences internationales pour le combattre. »

L’Afrique paie le prix fort…

Cinq activités sont principalement concernées par le crime environnemental. Il s’agit du braconnage et du commerce illégal des espèces sauvages, de l’exploitation illégale du bois, de la pêche illégale, de l’exploitation minière illégale et de la pollution de l’environnement. En ce qui concerne la pollution de l’environnement, c’est l’Afrique qui en est la principale victime, notamment parce que le continent est devenu ces dernières années la destination favorite des déchets illégaux provenant en majorité des pays européens. D’après le rapport, la pêche illégale a fait perdre à l’Afrique près d’un milliard de dollars en 2015. Par ailleurs, l’expansion des crises sanitaires, comme l’épidémie d’Ebola, qui ont fait des ravages ces dernières années en Afrique, aurait été facilitée par la déforestation.

… et affute ses armes

« La criminalité environnementale augmente à un rythme alarmant. La complexité de ce type de criminalité exige une réponse multisectorielle fondée sur la collaboration transfrontalière.« Cette déclaration du Secrétaire général d’Interpol, M. Jürgen Stock, montre à suffisance l’urgence d’élaborer des politiques concertées pour traquer et punir tous ces « tueurs de l’environnement. »

Onu environnement et Interpol suggèrent que soient élaborés des cadres juridiques, tant nationaux qu’internationaux, qui pourront permettre de réguler les activités du secteur. Le rapport propose également un arsenal juridique : le renforcement des systèmes de contrôles, la réforme des systèmes judiciaires… D’ailleurs, Onu Environnement s’est récemment allié à l’Association des procureurs africains pour concevoir des manuels et programmes de formation sur les poursuites en matière de crimes environnementaux. Ces documents seront utilisés pour la formation des policiers et des procureurs africains afin de renforcer leurs capacités à enquêter et poursuivre les auteurs d’infractions commises dans ce secteur.

Petit à petit, les décideurs africains prennent conscience du tort causé à l’environnement, aux populations et à l’économie de leur pays. Les rencontres se multiplient en Afrique, comme dans le monde entier. La septième session extraordinaire de la Conférence ministérielle africaine de l’environnement (CMAE), qui se tenait en septembre 2018 à Nairobi (Kenya) a ainsi permis aux participants de constater que les crimes environnementaux et la corruption constituaient un frein aux efforts de l’Afrique pour lutter contre la dégradation des écosystèmes. Or leurs services pèsent lourd dans l’économie des pays.

L’écotourisme comme source de prospérité et de sécurité

Le tourisme africain, par exemple, peine à attirer 5 % des touristes du monde entier, en dépit de son capital naturel inestimable… qui se dégrade pourtant. La solution pour concilier développement du tourisme et protection de l’environnement pourrait être le développement plus affirmé de l’écotourisme. C’est en tous cas ce que semble penser Naledi Khabo, directrice générale de l’Association du tourisme en Afrique (ATA), lorsqu’elle déclare, le 12 septembre 2018 à la conférence organisée au Cap sur la promotion du tourisme en Afrique, que « les pays qui ont réussi dans le tourisme sont ceux qui ont fait le choix de l’écotourisme. » Et de citer l’exemple de la Tanzanie et du Rwanda. De son côté, le président sud- africain Cyril Ramaphosa affirme que l’économie de la biodiversité pourrait créer plus de 162 000 emplois et produire près de 3,2 milliards de dollars. En 2014, l’écotourisme avait contribué à hauteur de 212 millions de dollars au PIB sud-africain. Et quatre ans plus tard, ce chiffre a déjà doublé…

Luchelle Feukeng

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