AFRIQUE : le prix de la tonne carbone grimpe, inexorablement, au profit du continent

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AFRIQUE : le prix de la tonne carbone grimpe, inexorablement, au profit du continent© Saran Srithawatpong /Shutterstock

Dans son nouveau rapport 2018, la commission mondiale sur le climat et l’économie (Cmec) réclame un prix de la tonne carbone compris entre 40 et 80 dollars, d’ici à 2020. Pour le think tank Carbon tracker, la hausse — inéluctable — a déjà commencé. Et l’Afrique pourrait en profiter.

Le nouveau rapport de la Commission mondiale pour l’économie et le climat, intitulé « Développer un nouveau modèle de croissance inclusive pour le XXIe siècle : accélérer l’action climatique dans un contexte d’urgence » a été remis le 5 septembre 2018 au secrétaire général des Nations Unies. Il présente un nouveau modèle de croissance pour le XXIe siècle et l’applique aux principaux systèmes économiques : l’énergie, les villes, l’alimentation et l’utilisation des terres, l’eau et l’industrie. La nouvelle méthode de modélisation macroéconomique, réalisée pour le rapport, analyse l’opportunité économique d’une action audacieuse en faveur du climat.

Accélérer les efforts sur la tarification du carbone, figure en tête des cinq grandes résolutions prioritairement réclamées par le Cmec afin d’atteindre l’objectif principal de la conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques (COP21).

Le continent africain, qui ne totalise que 5 % des émissions de CO2 dans le monde, aurait ainsi la capacité de tirer profit d’un boom du marché du carbone, qui atteindra 565 milliards de dollars à l’horizon 2020, selon des estimations de Point Carbon, une plateforme d’information indépendante sur les marchés de l’électricité, du gaz et du carbone.

L’Afrique, qui est présentée par les climatologues comme le continent le plus exposé aux effets des changements climatiques, pourrait ainsi s’adapter, tout en prospérant de manière plus durable, grâce à son potentiel de fixation du carbone.

 Fixer le prix de la tonne de carbone entre 40 et 80 $

« Bien que la dynamique de la transition énergétique se soit enclenchée, les efforts accomplis à l’heure actuelle ne suffisent pas pour maintenir l’augmentation de la température moyenne mondiale en dessous de 2°C », peut-on lire dans le rapport 2018 de la Commission mondiale sur l’économie et le climat (Cmec). Le Cmec propose que les principales puissances économiques mondiales, sous l’égide du G20, fixent un prix du carbone au moins compris entre 40 à 80 dollars d’ici 2020, ainsi qu’une trajectoire de croissance prévisible jusqu’en 2030.

En 2017, Fabrice Le Saché, président et cofondateur d’Aera, une société de conseil et de négoce qui génère et valorise des crédits carbone issus de projets africains, confiait déjà à Forbes Afrique que « Sous réserve d’un prix du carbone élevé, le continent pourrait financer de façon accélérée de nombreuses infrastructures dans le secteur de l’énergie. L’industrie pourrait générer, grâce à l’efficacité énergétique, des gains de productivité source de compétitivité accrue, les centres urbains pourraient faire face aux questions de salubrité grâce à une meilleure gestion des déchets. L’innovation environnementale pourrait créer des millions d’emplois qualifiés et non qualifiés. Elle pourrait positionner l’Afrique à l’export et renforcer les échanges intérieurs. Elle contribuerait à l’adaptation du continent au réchauffement et stimulerait de nouveaux investissements agricoles, facteurs de stabilisation et d’aménagement du territoire. »

Carbon Tracker constate la hausse inéluctable du prix de la tonne carbone

Ces projections et les résolutions du Cmec n’ont rien d’une fiction, car le futur frappe déjà à la porte de l’économie mondiale. Selon une étude de Carbon Tracker, intitulée « Carbon countdown » et publiée le 21 août 2018, les futures réductions de quotas, liées au mécanisme de stabilité européen, vont entraîner un prix de la tonne de carbone sur ce marché, qui atteindra jusqu’à 40 € dans les cinq prochaines années, 25 € dès fin 2018 puis 35 € en 2019, 40 € en 2020 et 2021 avant de baisser légèrement, à 35 euros en 2022 (soit un peu plus de 40 $). Ces projections sont d’ailleurs corroborées par Simon Quemin et Raphaël Trotignon, chercheurs à la chaire Économie du climat de l’université Paris Dauphine. Pour Mark Lewis, auteur du rapport de Carbon Tracker et directeur de la recherche sur le carbone à la Deutsche Bank, cette évolution est déjà perceptible sur un marché de plus en plus volatil et à la hausse : le prix de la tonne de CO2 s’y établit actuellement à 20 € après avoir flirté, il y a quelques jours, avec les 25 €. Un niveau multiplié par trois en un an… Et même si le prix de la tonne de carbone n’est pas unifié, la hausse apparaît désormais inéluctable.

L’Afrique, bientôt principal fournisseur de crédits carbone ?

Après la chute dramatique du prix de la tonne carbone, qui s’est longtemps établi entre 0,5 et 5 € la tonne), la donne est donc en train de changer. Et l’Afrique pourrait en profiter. Car les projets industriels et énergétiques respectueux de l’environnement peuvent engranger des profits, grâce aux crédits carbone qu’ils génèrent. Lorsqu’un tel projet permet d’empêcher des émissions de CO2, il reçoit des crédits carbone qu’il peut ensuite revendre, à condition d’être certifié. Pour Fabrice Le Saché, citant la Banque Mondiale, le continent africain sera le principal fournisseur de crédits carbone à l’horizon 2050. Sont en particulier concernés, les projets d’efficacité énergétique, d’énergies renouvelables et de gestion des déchets. Mais c’est également le cas des projets qui protègent la forêt, en empêchant la déforestation ou en assurant son reboisement.

Par le biais d’un processus chimique appelé photosynthèse, les arbres des forêts, notamment celle du bassin du Congo, deuxième plus grande réserve forestière tropicale (après la forêt amazonienne), absorbent le gaz carbonique de l’air et le combinent avec la lumière du soleil, pour obtenir l’énergie dont ils ont besoin. Ce mécanisme qui consiste à absorber le gaz carbonique de l’atmosphère et à produire de l’oxygène a donné aux grandes forêts le nom de « puits de carbone » ou encore de « poumons du monde ». Des études du Groupe d’experts intergouvernemental de l’ONU sur l’évolution du climat (Giec) assurent que les forêts d’Afrique capturent près de 1 000 milliards de tonnes de carbone.

Boris Ngounou

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