AFRIQUE : la résilience climatique, planche de salut de l’agriculture et du tourisme

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AFRIQUE : la résilience climatique, planche de salut de l’agriculture et du tourisme©hecke61/Shutterstock

Le dérèglement climatique impacte lourdement le développement économique et social. On retrouve au premier rang des secteurs à risque tels que l’agriculture et le tourisme, où les initiatives de résilience climatique sont les plus importantes. Mais il s’agit d’une course contre la montre, loin d’être gagnée.

L’agriculture et le tourisme dépendent, chacun à leur manière, du capital nature qu’ils exploitent. Cette relation de dépendance ne présente pas que de bons côtés. Actuellement, ces deux secteurs sont en situation de grand risque, en raison du dérèglement climatique. Le phénomène dégrade les sols et assèche les ressources en eau, qui sont pourtant indispensables à une bonne production agricole. À cela s’ajoute la montée du niveau des eaux qui fragilisent et détruisent les zones côtières, ralentissant ainsi les activités touristiques et augmentant le taux de chômage dans les territoires.

Si l’Afrique n’émet que 1,2 Gt de CO2, soit à peine 4 % du total mondial, le continent reste cependant le plus exposé aux effets du dérèglement climatique. Et la situation devrait encore s’aggraver selon les prévisions climatiques publiées le 9 août 2021 par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). En attendant les résolutions issues de la Conférence des parties des Nations unies sur le changement climatique (COP26), qui se tiendra 31 octobre au 12 novembre 2021, les États africains multiplient les stratégies d’adaptation avec le soutien des partenaires au développement. L’objectif se concentre autour du renforcement de la sécurité alimentaire et de la sauvegarde du secteur touristique.

La restauration des terres dégradées

Le Programme intégré de développement et d’adaptation aux changements climatiques dans le bassin du Niger (Pidacc/BN) est l’une des initiatives phares de résilience climatique développées en Afrique. Les initiatives, qu’il porte, sécuriseront les systèmes de production agropastoraux d’environ 4 millions de petits exploitants, dont 51 % de femmes, dans les neuf pays du bassin du Niger. Il s’agit du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Niger, du Nigeria, du Mali, du Tchad et du Cameroun. Les gouvernements effectueront également des travaux de restauration des sols.

AFRIQUE : la résilience climatique, planche de salut de l’agriculture et du tourisme©StMayQ/Shutterstock

Un système qui sert à irriguer les plantations©StMayQ/Shutterstock

Au Mali, les autorités ont mobilisé presque 14 milliards de francs CFA (plus de 21 millions d’euros) auprès de la Banque africaine de développement (BAD), de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), de la Facilité africaine de l’eau (FAE) et du Consortium pour les infrastructures en Afrique (ICA) pour la mise en œuvre du Pidacc/BN. Sur le territoire tchadien, le programme investira les départements de la Kabbia et du Mont Illi dans la région de Mayo Kebbi Est, ainsi que les départements du Mayo Dallah, du lac Léré, du Mayo Binder et du Mayo-Nanaye dans la région du Mayo Kebbi Ouest. Le Pidacc/BN devrait durer six ans pour un montant global de 122 milliards de francs CFA, près de 186 millions d’euros.

La sécheresse a également renvoyé l’Afrique deux pas en arrière concernant la recrudescence des épisodes de famine, qui s’expliquent par la baisse de la production agricole. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 250 millions de personnes sont sous-alimentées en Afrique, moins qu’en Asie qui occupe toujours la tête du classement avec 381 millions personnes, mais plus que dans les Caraïbes (48 millions). Pour renforcer la sécurité alimentaire dans les pays touchés par ce fléau, les gouvernements misent sur l’irrigation. L’objectif est également de réduire les importations des produits alimentaires. En 2017, Akinwumi Adesina, le président de la Banque africaine de développement (BAD) a vigoureusement dénoncé la situation actuelle, qui voit l’Afrique dépenser chaque année 35 milliards de dollars pour l’importation de produits alimentaires, la jugeant inacceptable.

L’agriculture irriguée, une solution pour les pays au climat aride ?

En 2018, les gouvernements de six pays situés dans la région du Sahel ont lancé le projet d’appui régional à l’initiative irrigation du Sahel (Pariis), évalué à 170 millions de dollars. Les pays concernés, à savoir le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le Tchad, ont contracté des prêts auprès de la Banque mondiale pour financer cet effort d’adaptation.

Pariis vise à « améliorer la capacité des parties prenantes à développer et à gérer l’irrigation et à accroître les superficies irriguées en suivant une approche régionale fondée sur les solutions recensées pour 5 types de systèmes d’irrigation identifiés par la Déclaration de Dakar. Il s’agit de l’aménagement de bas-fonds et de la décrue contrôlée, de la petite irrigation individuelle privée, de l’irrigation communautaire, de la grande irrigation publique et de l’irrigation à travers le partenariat public-privé (PPP). En tout, 23 000 hectares de terres seront aménagés et revitalisés, afin de développer la production de 58 000 agriculteurs en Afrique de l’Ouest et du Centre d’ici fin 2024. Quelque 480 000 personnes bénéficieront indirectement du projet Pariis.

En Afrique australe, les États multiplient également les initiatives pour relever le défi de la gestion des ressources en eau. Le stress hydrique atteint des proportions inédites dans certains pays de la sous-région. C’est notamment le cas de l’Afrique du Sud où le gouvernement expérimente depuis peu la valorisation des eaux usées, ressources en eau non conventionnelles, pour approvisionner les agriculteurs. Mais là encore l’addition pour l’investissement de départ est salée. En août 2021, le gouvernement sud-africain a relancé une station d’épuration à Prieska, dans la province du Cap-Nord. Les travaux de réhabilitation de l’installation ont nécessité un investissement de 2,3 millions de dollars. Ce procédé est loin d’être une particularité de l’Afrique australe.

Les autres sous-régions du continent misent également sur la valorisation des ressources en eau non conventionnelles face au stress hydrique. L’Afrique du Nord, où le phénomène se fait de plus en plus persistant compte le plus grand nombre de stations d’épuration.

Le tourisme également touché

Dans le secteur du tourisme également, le dérèglement climatique réduit peu à peu tous les espoirs et avec eux la promesse d’améliorer l’équilibre économique des pays pourtant dotés d’une biodiversité riche et d’espaces naturels d’une beauté à couper le souffle. La Banque mondiale indique que le tourisme représente 8,9% du PIB en Afrique de l’Est, 7,2% en Afrique du Nord, 5,6% en Afrique de l’Ouest et 3,9% en Afrique australe. Et seulement 1% en Afrique centrale. Des chiffres étayent l’argument selon lequel le continent est à la traîne et dispose de grandes marges de progression. L’Afrique avait commencé depuis peu à relever les défis administratifs, réglementaires et d’infrastructures pour espérer atteindre un jour le niveau de l’Europe (en tête de classement) avec 672 millions de visiteurs en 2017, soit 519 milliards de dollars captés devant l’Asie (323 millions de visiteurs) et l’Amérique avec 112 millions de touristes la même année. Mais en 2021, à la suite de la récession mondiale post COVID-19, l’Afrique est loin d’avoir beaucoup évolué, au contraire. Car aux conséquences de la crise sanitaire et économique s’ajoutent les impacts environnementaux de long terme.

AFRIQUE : la résilience climatique, planche de salut de l’agriculture et du tourisme©PixHound/Shutterstock

Des touristes qui admirent la biodiversité en Tanzanie©PixHound/Shutterstock

Et ce sont de très nombreuses zones côtières qui sont actuellement en péril, en raison de la montée du niveau de la mer : les zones intertidales (l’estran, Ndlr), les estuaires, les marais salants, les vasières, les mangroves, les prés de zostères marines (le varech marin, Ndlr), les plages, les falaises, les rives et les dunes. La principale conséquence de la montée des eaux sont les inondations qui détruisent tout sur leur passage, y compris les réserves naturelles, fleuron de biodiversité. Avec la disparition des espaces touristiques, s’envolent également les sources revenues et les emplois pour les jeunes qui sont les plus sollicités dans ce secteur d’activité.

Au Sénégal par exemple, ce sont près de 100 000 emplois qui devraient totalement disparaître si rien n’est fait. Au-delà des emplois, cette dégradation attendue fera perdre au pays d’importantes ressources financières. Selon l’Agence nationale pour la statistique et la démographie (ANSD), en 2017, tourisme pesait déjà près de 6,7% du PIB, au même le secteur agricole créant plus de 30 000 emplois directs et 70 000 indirects.

Quelles mesures d’adaptation ?

Le projet de changement climatique et de gestion intégrée des zones côtières (CCGIZC) est l’une des initiatives mise en œuvre par le gouvernement sénégalais pour préserver les zones côtières. La deuxième phase a été lancée en novembre 2020 dans plusieurs zones littorales du Sénégal, à savoir la Petite Côte, la Casamance et le Delta du Saloum. Ce dernier abrite une importante biodiversité composée de 114 espèces de poissons qui vivent et se reproduisent dans les mangroves du parc. Ces dernières attirent jusqu’à 95 espèces d’oiseaux, dont les sternes royales qui s’y reproduisent. On y trouve aussi des flamants nains, des pélicans gris ou encore des mouettes à tête grise.

Dans le cadre de cette deuxième phase du CCGIZC, le gouvernement sénégalais prévoit la plantation d’arbres pour lutter contre l’érosion côtière et l’installation de digues pour prévenir la montée des eaux. Afin de protéger les zones de mouillage par mauvais temps, des brise-lames seront également construits sur certains littoraux à risques. L’initiative bénéficie du soutien financier de l’Union européenne (UE), évalué à 5 millions d’euros.

Le risque économique lié à l’érosion côtière et le coût de la prévention impactent de très nombreux pays d’Afrique de l’Ouest où, selon la Banque mondiale, près de 3,8 millions de dollars sont dépensés chaque année pour combattre le phénomène. Particulièrement exposé, le Bénin perd en moyenne 4 mètres de rivage par an sur 65 % de ses côtes. Pour lutter contre le phénomène et promouvoir le tourisme, le gouvernement béninois plantera plus de 500 000 plants constitués de quatre variétés de cocotiers et de palmiers le long des zones balnéaires. Selon le ministre béninois du Cadre de vie et du Développement durable José Tonato, l’État béninois dépense chaque année, plus de 288 millions de francs CFA (environ 440 000 euros) pour l’entretien de la bande côtière, qui comme ailleurs subit également la pression de la pollution par les déchets. Face à ce double impact, désastreux pour les économies locales, les environnementalistes et les gouvernements réfléchissent aujourd’hui de concert à une nouvelle forme de tourisme pour la relance du secteur. Il s’agit de l’écotourisme.

Un investissement gagnant finalement…

Au Gabon, le projet « Écotourisme africain Safari » a été lancé le 3 mars 2021. L’initiative vise la conservation et la construction de plusieurs éco-lodges dans le réseau des parcs nationaux du pays d’Afrique centrale, soit treize au total. Le gouvernement gabonais estime que le projet attirera 100 000 visiteurs par an dans le moyen et le haut de gamme et génèrera 25 milliards de francs CFA, soit environ 38 millions d’euros, d’ici à 2025. Les autorités du Gabon collaborent avec Luxury Green Resorts, la coentreprise détenue par le Fonds gabonais d’Investissements stratégique (FGIS) et l’hôtelier singapourien Amanresorts dans le cadre de la mise en œuvre de ce projet.

Migrer vers un tourisme durable, c’est également l’objectif du gouvernement du Congo qui, pour ce faire, a obtenu en décembre 2020, un prêt de 14 millions de dollars auprès de l’Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid). Les autorités congolaises valoriseront les zones naturelles et conserveront la biodiversité du parc de Nouabalé-Ndoki dans le nord du pays, menacé par le braconnage et l’installation des scieries qui exploitent le bois de la réserve.

Le changement de paradigme de cette nouvelle forme de tourisme : les activités sont désormais prioritairement au service de la conservation ou de la restauration de la nature. Car l’homme, à l’origine des dérèglements accélérés concernant les équilibres naturels, a également une grande part à jouer dans la préservation de l’environnement. Des programmes de sensibilisation existent d’ailleurs pour éduquer les touristes pour privilégier les énergies renouvelables aux énergies fossiles qui émettent du CO2, rationaliser la consommation d’eau face au stress hydrique, éliminer durablement les déchets, éviter la déforestation qui accélère l’érosion. Des gestes « écoresponsables » qui contribueront peut-être à ralentir l’avancée du désert ici et des eaux ailleurs, qui menacent de tout recouvrir.

Inès Magoum

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