AFRIQUE : la gestion de l’eau, un enjeu clé pour la biodiversité

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AFRIQUE : la gestion de l’eau, un enjeu clé pour la biodiversité ©Gustavo Frazao/Shutterstock

L’Afrique détient une biodiversité remarquable. Selon les estimations des chercheurs de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), il s’agit du un cinquième de toutes les espèces connues de mammifères, d’oiseaux et de plantes. Ce potentiel biologique est cependant menacé, notamment pour cause de qualité et de pénurie de l’eau. Composante essentielle des êtres vivants, l’eau demeure l’objet de nombreuses crises en Afrique. Sa gestion concertée et durable n’étant pas acquise dans plusieurs régions du continent.

L’intérêt de la biodiversité dans la gestion durable et intégrée des ressources en eau est très souvent occulté par l’urgence de la satisfaction des besoins vitaux de l’homme, tel que l’accès à l’eau potable. Et pourtant le maintien de la biodiversité qui est tout aussi essentiel pour le développement durable du continent africain, est lui aussi tributaire de la gestion de l’eau. D’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), 25 % des espèces mondiales de mammifères et 11 % des oiseaux sont directement menacés d’extinction. Concernant les autres groupes biologiques, qui sont moins connus, la même source prédit l’extinction de 25 à 50 % de toutes les espèces d’ici la fin du siècle si aucune mesure adaptée n’est prise. Il s’agira dès lors, de la 6e extinction provoquée par les activités et le développement de l’espèce humaine, en référence aux 5 grandes extinctions dues à des causes naturelles, qui ont précédemment jalonné l’histoire de la vie sur Terre.

Cette érosion rapide de la biodiversité est étroitement liée à la crise de l’eau, du point de vue qualitatif et concernant l’aspect quantitatif. Un phénomène dont les causes sont à la fois d’origines immédiatement humaines et climatiques : évènements extrêmes de sècheresse, inondations et crues, déforestation et destruction des zones humides. S’y ajoutent le drame de la pollution des zones côtières, des mers et des océans, par les activités humaines, essentiellement charriée par les fleuves.

Eu égard au lien étroit entre la biodiversité et la disponibilité des ressources en eau, l’Organisation des Nations unies (ONU), dans le cadre de ses objectifs pour le développement durable (ODD) à l’horizon 2030, consacre désormais la préservation des réserves d’eau douce, qui sont des foyers de biodiversité. En effet, l’ODD N06 prescrit de protéger et restaurer les écosystèmes liés à l’eau, notamment les montagnes, les forêts, les zones humides, les rivières, les aquifères et les lacs.

L’Afrique est particulièrement concernée par cet objectif. Le continent le plus vulnérable au changement climatique dispose non seulement de réserves d’eaux douces impressionnantes, mais aussi une biodiversité riche et dense, qu’il lui faudra préserver.

La biodiversité en Afrique

La biodiversité représente l’ensemble de toutes les formes du vivant. Pour un scientifique, c’est toute la variété du vivant étudiée à 3 niveaux : les écosystèmes, les espèces qui composent les écosystèmes, et les gènes que l’on trouve dans chaque espèce. L’Afrique, qui occupe près de 20,2 % de la surface terrestre totale, est dotée d’écosystèmes variés, y compris des déserts et terres arides possédant une flore et une faune exceptionnelles. La 17e session de la conférence des ministres africains sur l’environnement, qui s’est tenue le 30 septembre 2019 a mentionné des savanes possédant la plus grande diversité d’ongulés au monde (catégorie de mammifères possédant un ou plusieurs sabots à l’extrémité de leurs membres), des forêts tropicales, des forêts de mangroves dans le sud de la Mauritanie, dans le delta du Saloum au Sénégal, dans des régions du Soudan et dans des pays d’Afrique centrale, des forêts tropicales sèches et humides, des écosystèmes insulaires et côtiers, des terres humides aux abords des plans d’eau douce tels que rivières, lacs et estuaires, des systèmes et agrosystèmes urbains et semi-urbains, et des écosystèmes marins. L’Afrique possède 119 régions écologiques terrestres et 93 régions écologiques d’eau douce ou de zones humides.

Selon l’IPBES (Intergovernemental Science-Policy Plateform on Biodiversity and Ecosystem Services/ Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), l’Afrique compte 8 des 36 points les plus remarquables de la biodiversité recensés dans le monde. 8 des 34 foyers de biodiversité les plus remarquables de la planète et 1 220 habitats importants d’oiseaux. L’Afrique détient un cinquième de toutes les espèces connues de mammifères, d’oiseaux et de plantes, selon les estimations de l’écologiste Dejene W. Sintayehu, dans son rapport publié en 2018 sur l’impact produit par le changement climatique sur la biodiversité.

Affectée par des facteurs humains et les effets négatifs du changement climatique, la biodiversité africaine est tout aussi menacée que celle du reste de la planète. « Le développement et l’avenir de l’Afrique sont menacés si des mesures urgentes ne sont pas prises dès maintenant pour protéger la biodiversité, notamment plus d’un million d’espèces de plantes et d’animaux qui sont menacées d’extinction, 40 % d’espèces d’amphibiens et 33 % de récifs coralliens qui sont en danger » met en garde Al-Hamndou Dorsouma, le chef de la Division Climat et croissance verte au sein de la Banque africaine de développement (BAD).

Le potentiel hydrique vaste, mais mal géré

Le continent africain dispose pourtant d’immenses de ressources en eau. Les statistiques publiées en 2019 par l’Association africaine de l’eau révèlent que le continent recèle plus de 660 000 kilomètres cubes (km3) de nappes souterraines. Une grande partie de ces réserves d’eau en sous-sol se situe à plus de 50 mètres de profondeur, et notamment dans les zones sahariennes. Ce sont par exemple des eaux fossiles datant de périodes préhistoriques, et qui ne se renouvèlent pas. En ce qui concerne les eaux de surface, la même source indique qu’en Afrique, trois lacs disposent de 30 % des réserves d’eau douce mondiales : le Lac Tanganyika (32 900 km², situés en Tanzanie), le Lac Victoria (68 100 km², il traverse l’Ouganda, le Kenya et la Tanzanie), et le Lac Malawi (29 500 km², ses rives se partagent entre le Malawi, le Mozambique et la Tanzanie).

Ces réserves d’eau douce, qui constituent des havres de vie pour la faune et la flore locale, sont cependant irrégulièrement réparties et dégradées, faute d’une gestion durable et intégrée. Selon les chiffres de l’ONU, seuls 4 % des réserves en eau sont exploitées en Afrique, et le manque d’infrastructures sanitaires engendre des pertes estimées à quelque 28,4 milliards de dollars par an, soit près de 5 % du produit intérieur brut (PIB) du continent. Un constat qui incite les Nations Unies à préconiser un investissement massif dans les infrastructures d’adduction et d’assainissement de l’eau. Cela permettrait également de préserver l’environnement, alors qu’aujourd’hui 85 % des eaux usées dues aux activités humaines sont évacuées dans la nature sans épuration.

À l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement 2020, BAD a embrayé en ce sens. L’institution financière panafricaine a appelé les dirigeants africains à adopter des politiques audacieuses et à investir dans des solutions basées sur la nature qui permettraient de réduire la pression de l’agriculture sur les ressources en eau (l’activité consomme 70 % des 3900 km3 sont prélevés des rivières et des aquifères chaque année, selon l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture [FAO]), de promouvoir la restauration/réhabilitation des systèmes dégradés et des ressources en eau, et de réduire les impacts des industries extractives et l’utilisation non durable des ressources en eau.

Boris Ngounou

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