AFRIQUE : ces organisations patronales qui font le pari de la RSE

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AFRIQUE : ces organisations patronales qui font le pari de la RSE©Jerome.Romme/Shutterstock

Si la considération de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) a évolué en Afrique, c’est aussi en grande partie grâce aux organisations patronales, qui fédèrent sur la base du volontariat les chefs d’entreprises privées. C’est notamment le cas de la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect), de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), du Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam) ou encore de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI).

L’une des organisations patronales qui jouent un rôle crucial dans la prise en compte de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) en Afrique reste la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect). La centrale patronale tunisienne, créée en 2011, compte aujourd’hui une vingtaine de représentants répartis sur les 24 gouvernorats de la Tunisie, notamment à travers des bureaux régionaux. La Conect regroupe également vingt groupements professionnels sectoriels et plus de 2 000 entreprises adhérentes, exerçant dans les différents secteurs structurés et organisés de l’industrie, du commerce, des services, de l’artisanat et de l’agriculture.

L’organisation, fondée et dirigée par l’homme d’affaires Tarak Cherif, est consciente de l’importance de développer des projets RSE tournés vers le développement durable. La Conect est justement à l’initiative de plusieurs projets verts. Le plus récent concerne le renforcement des capacités de 80 éco-entrepreneurs tunisiens, précisément dans les secteurs de l’économie circulaire, de l’agriculture biologique, de la gestion durable des déchets, des énergies renouvelables et du tourisme durable. À travers ce projet, la Conect vise un doublement objectif à savoir l’incitation à l’innovation et la préservation de l’environnement. Outre les projets de formation, la Conect sensibilise les entreprises via son label RSE.

Le label « RSE Tunisie » de la Conect

Pour aller plus loin dans sa démarche en matière de RSE, la Conect a lancé le label « RSE Tunisie » qui est inspiré de la norme ISO 26 000. Cette dernière s’articule autour de quatre volets : économique, environnemental, social et la gouvernance. Comment l’obtenir ? Tout commence par un diagnostic sur l’état des lieux de la RSE au sein de l’entreprise désireuse d’obtenir le label. Un plan d’action est ensuite élaboré par la Conect afin de choisir le label qui correspondra : Bronze, Argent ou Or. « Toutefois le seuil minimum en dessous duquel aucun label ne peut être délivré réside dans le respect de la législation en vigueur et des droits des principaux partenaires : fournisseurs, collaborateurs, clients », précise la Conect. La Caisse des dépôts et Consignations (CDC) de la Tunisie est le premier établissement à adhérer à cette initiative en 2018. « Une démarche RSE cohérente répondra plus facilement aux nouvelles exigences du marché et permettra de mobiliser des ressources par effet de levier, et de mettre en place de nouveaux partenariats aussi bien nationaux qu’internationaux publics et privés », affirmait Nejia Gharbi, la directrice générale adjointe de la CDC en 2018, en marge de la 6e conférence RSE de la Conect.

Situé dans la même sous-région que la Tunisie, le Maroc est également assez avancé en matière de RSE, notamment grâce à ses organisations patronales comme la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma (TTA) qui dispose de 90 000 membres directs et affiliés. À l’instar de la Conect, la CGEM s’est dotée d’une charte alignée sur les orientations et les directives de la norme ISO 26 000. Adoptée le 14 décembre 2006 par le Conseil national de l’entreprise, organe statutaire et décisionnel de la confédération, la charte est structurée en neuf axes d’engagements. Le troisième axe concerne la préservation de l’environnement.

AFRIQUE : ces organisations patronales qui font le pari de la RSE©Huguette Roe/Shutterstock

Une grue ramassant une voiture dans une décharge©Huguette Roe/Shutterstock

Créée en 1947, la CGEM contribue entre autres à améliorer la gestion des déchets au Maroc. L’organisation collabore avec cinq associations représentant les zones industrielles de Tanger dans le cadre d’un projet de valorisation des déchets industriels dans le royaume chérifien. La gestion de ce type de déchets reste très sensible au Maroc. Ce pays d’Afrique du Nord produit 1,5 million de tonnes de déchets industriels chaque année, dont environ 350 000 tonnes sont identifiées comme étant dangereuses. Selon les autorités marocaines, seuls 23 % de ces déchets sont valorisés dans le royaume ; pourtant ceux-ci sont très nocifs pour l’Homme et l’environnement.

L’élaboration d’un guide pratique pour soutenir les PME/PMI

Outre sa charte sur la RSE, la CGEM dispose d’un outil pour aider les petites et moyennes entreprises (PME) et industries (PMI) à améliorer leur productivité et à réduire leur impact environnemental. Intitulé Premiers pas vers le management environnemental, l’ouvrage est paru en juin 2019 dans la collection « Guides PME ».

Dans le guide, la CGEM propose aux entreprises une méthodologie pratique qui se décline en six points : la présentation de l’entité étudiée/diagnostiquée, l’identification des flux de matières et des impacts environnementaux par l’utilisation d’un outil visuel précédé au besoin d’un questionnaire sommaire, l’évaluation des impacts et élaboration d’une échelle de priorité, l’identification des actions d’amélioration possibles « pour chaque impact négatif, recenser deux ou trois actions et calculer la rentabilité économique de chacune », la mise en place de plan d’action et enfin la réalisation d’un suivi des actions mises en œuvre. La stratégie de la CGEM tient compte des particularités de chaque entreprise dans différents domaines, dont l’eau, l’assainissement, l’énergie, la mobilité, villes durables, etc.

Pour renforcer son efficacité au Maroc, la CGEM collabore avec plusieurs organisations, dont le Mouvement des entreprises françaises (Medef), notamment pour des projets liés à la mobilité durable, aux villes intelligentes et aux énergies renouvelables. Le Maroc joue en effet un rôle stratégique dans le secteur énergétique et contribue à l’expansion des énergies renouvelables sur le continent africain. Pour développer cette vision, le royaume chérifien nourrit l’ambition de porter à 52 % la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique.

De même, le Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam) figure incontestablement parmi les organisations patronales qui œuvrent en faveur de l’évolution de la démarche RSE en Afrique.  Créé en 1957, précisément au Cameroun, sous le nom de Groupement interprofessionnel pour l’étude et la coordination des intérêts économiques, il devient Gicam en 1992. Pour l’organisation patronale, la question des déchets est un premier réel défi à relever pour préserver l’environnement.

La gestion des emballages plastiques usagés obligatoires pour ses membres

La gestion collective des déchets est une initiative commune au Gicam et à l’un de ses membres à savoir l’AC2P (l’Association camerounaise des professionnels de la plasturgie). Le projet vise à accompagner les entreprises soumises à l’obligation de gérer les emballages plastiques non biodégradables que génère leur activité, alors qu’elles ne sont pas directement engagées dans la gestion des déchets. Dans un document publié en 2017, le Gicam annonçait déjà la création d’un fonds commun de gestion du plastique usagé pour mobiliser les ressources financières nécessaires. Chaque entreprise a été invitée à contribuer proportionnellement à la quantité de déchets plastiques émise. Les rebuts collectés seront traités dans des structures agrées par le ministère camerounais de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable.

Lire aussi – AFRIQUE : le continent s’attaque à la marée de déchets qui souillent l’environnement

L’engagement du Gicam en matière de gestion des déchets est d’autant plus visible en ceci que le groupement compte dans ses rangs la société Hysacam.  Le concessionnaire qui assure la collecte et le traitement des déchets ménagers dans 17 villes camerounaises entend d’ailleurs développer trois centrales électriques à partir des sites de décharges de Nkolfoulou à l’ouest de Yaoundé, de PK 10 situé à Douala et de Bafoussam, région de l’Ouest-Cameroun. Les domaines dans lesquels les activités et les investissements sociaux et économiques sont encore envisagés par le Gicam  sont « la réalisation des forages, le reboisement, la construction de gouttières pour l’irrigation, la distribution d’intrants agricoles et du biogaz », ont indiqué les présidents des Conseils régionaux du nord-ouest et du sud-ouest de l’association, dans le cadre d’une rencontre d’échanges qui s’est tenue en mai 2021.

Réussir la transition énergétique

La Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI) incite également les entreprises à adopter une démarche RSE d’essence (faite de façon naturelle, Ndlr) et non de bonne conscience (pour sauver les apparences, Ndlr) notamment dans le secteur de l’énergie. L’organisation patronale fondée en 2005 fédère 1500 entreprises à travers 19 groupements professionnels et associations. Sa démarche consiste surtout à lancer des campagnes de sensibilisation et des formations. La CGECI dispose d’ailleurs, comme la Conect, la CGEM ou encore le Gicam, d’une charte RSE.

AFRIQUE : ces organisations patronales qui font le pari de la RSE©anatoliy_gleb/Shutterstock

Deux techniciens qui installent des panneaux solaires sur un toit©anatoliy_gleb/Shutterstock

La CGECI s’occupe entre autres du volet promotion des petites et moyennes entreprises (PME) du ProFERE (projet de formation professionnelle dans les domaines des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique en Côte d’Ivoire). Les experts formés dans le cadre de ce projet doivent être capables d’assurer des audits énergétiques et la maintenance des équipements photovoltaïques dans les entreprises. La formation est réalisée en partenariat avec la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ). La CGECI a également collaboré avec l’Agence allemande de coopération internationale pour le développement dans le cadre de la campagne de sensibilisation et d’information des entreprises et industries de Bouaké sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Une initiative pour booster la compétitivité des entreprises et réduire leur empreinte carbone, qui  reste pour l’instant le principal responsable du réchauffement climatique.

« Les entreprises membres de la CGECI et les entreprises ivoiriennes en général ont un réel besoin d’accompagnement pour réussir leur transition énergétique. C’est la raison pour laquelle, le patronat ivoirien a choisi de s’engager dans la mise en œuvre au profit du secteur privé, de projets d’efficacité énergétique et d’énergie renouvelable », expliquait Jean-Marie Ackah, le président de la CGECI lors de la signature en février 2021 d’un autre accord de financement avec l’Agence française de développement (AFD) et l’Union européenne (UE). L’enveloppe de 1,64 million d’euros a été débloquée à destination des entreprises ivoiriennes pour des projets d’acquisition de systèmes d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique.

Comme la plupart des pays africains, Madagascar poursuit son objectif de préservation de sa biodiversité unique. Depuis quelques années, la promotion de la RSE figure parmi les priorités du gouvernement malgache et du Groupement des entreprises de Madagascar (GEM), une organisation patronale malgache qui regroupe près de 1 500 entreprises. Au moins 22 entreprises auraient déjà adopté une démarche RSE à Madagascar. Néanmoins, aucun texte de loi dédié à la RSE n’existe à ce jour.

Vers la mise en place d’un label RSE

La GEM travaille en collaboration  avec le ministère malgache de l’Écologie et du Développement durable (MEDD) dans le cadre de la mise en place d’un label RSE. Il reposera, comme pour les quatre organisations patronales précédemment citées,   sur le référentiel de la norme ISO 26 000. L’entreprise désireuse d’obtenir ce label devra disposer de bonnes  performances économiques, sociales et environnementales ainsi que d’un justificatif de sa contribution fiscale.

Décidément en Afrique beaucoup d’entreprises font de la RSE de façon naturelle, ce qu’on appelle une RSE par essence mais elles ne la codifient malheureusement pas la démarche. Le rôle des organisations patronales comme on l’a vu est justement de pérenniser ces actions au travers d’un accompagnement.

Inès Magoum

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