AFRIQUE : quand la RSE vole au secours de la biodiversité

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AFRIQUE : quand la RSE vole au secours de la biodiversité©Alexwilko/Shutterstock

La protection de la biodiversité occupe désormais une place de choix dans les stratégies environnementales développées par les politiques RSE en Afrique. Outre la limitation de la pollution due à leurs activités, certaines entreprises s’engagent également dans des actions de protection et de restauration des écosystèmes. Cette ambition est très souvent motivée par la quête d’une certification environnementale donnant accès aux marchés internationaux de plus en plus exigeants en matière de développement durable. Le secteur agricole lorgne ainsi vers les labels « Bio » et compte de nombreuses initiatives en ce sens.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), l’Afrique concentre 50 à 60% des terres arables disponibles de la planète. D’où la convoitise dont le continent fait l’objet de la part des multinationales agroindustrielles. Mettant en avant l’idée selon laquelle  l’Afrique détiendrait la clé de la sécurité alimentaire mondiale, ces industriels convertissent au passage, de grandes étendues de forêts en exploitations agricoles. En 2016, GreenFacts, une organisation non gouvernementale (ONG) qui publie des données scientifiques sur l’environnement et la santé, rapporte que la conversion des territoires forestiers en terres agricoles reste le principal moteur de la déforestation dans les régions tropicales. Sur la période 2000-2010, la perte nette s’établie à 7 millions d’hectares de forêts par an contre une croissance des terres agricoles de 6 millions d’hectares par an. Mais, contrairement à ce que certains pourraient penser, GreenFacts attribue l’essentiel de la conversion des forêts africaines à l’agriculture de subsistance à petite échelle. Il s’agit d’exploitations de moins de 2 hectares, et qui totalisaient 33 millions d’unités en 2016, représentant 80% de l’ensemble des exploitations agricoles du continent.

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Cette pénétration de l’agriculture dans les forêts africaines, qu’elle soit de nature industrielle ou familiale, confine cependant au désastre pour la biodiversité remarquable, avec destruction de nombreux mammifères et de plantes endémiques en voie de disparition. La faune sauvage voit ainsi son habitat détruit, les populations fractionnées et fragilisées, tandis qu’elles sont alors exposées au braconnage.

Pour réduire et limiter la dégradation de la biodiversité dans l’agriculture, plusieurs projets et stratégies sont mis en œuvre par les acteurs du secteur. L’enjeu ici est de prospérer dans un contexte évoluant vers l’interdiction des produits issus d’une agriculture non respectueuse de la nature.

Les solutions RSE

La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) également appelée responsabilité sociale des entreprises est définie par la commission de l’Union européenne (UE) comme l’intégration volontaire par les entreprises, des préoccupations sociales et environnementales liées à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties. Dans le domaine agricole, il s’agit d’ajuster les formes de soutiens à l’agriculture commerciale en introduisant des mesures de sauvegardes environnementales, dont l’application contribuerait à éviter la perte de forêts.

C’est ce que prône Olam, une entreprise singapourienne de négoce et de courtage de denrées alimentaires dont le chiffre d’affaires s’élève à 11 milliards de dollars. Au Cameroun où l’entreprise est le deuxième exportateur de cacao, la société a mis sur pied un programme d’accompagnement des plantations de cocao respectueux de la nature. «Olam, conformément à sa stratégie de durabilité, a pour objectif cette année de cartographier plus de 10 000 planteurs de cacao, situés hors des zones soumises aux risques de déforestation. Ces derniers reçoivent en suite des subventions en termes de plants de cacao améliorés, d’engrais et conseils techniques», indique Eugène Kamdem, directeur des opérations à Olam-Cameroun.

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Autre exemple : Nestlé, une multinationale suisse qui compte parmi les principaux acteurs de l’industrie agroalimentaire de la planète, avec un chiffre d’affaires qui se situe aux alentours de 100 milliards de dollars. Pour stopper la saignée des forêts ouest-africaines l’entreprise a lancé en 2009, le « Nestlé Cocoa Plan ». Le programme vise l’approvisionnement de Nestlé en cacao 100 % durable d’ici à 2025. Cela passe par l’arrêt de la déforestation liée au cacao, l’accroissement des revenus des agriculteurs, la garantie d’un cacao de haute qualité et la résolution des problèmes constitutifs de la chaîne d’approvisionnement tels que le travail des enfants, les inégalités entre les sexes et les mauvaises conditions sociales. Le dernier rapport du « Nestlé Cocoa Plan » publié le 8 mai 2021 indique qu’en 2020, Nestlé a cartographié 85 % des limites d’exploitations agricoles des 110 000 agriculteurs de son programme « Nestlé Cocoa Plan » au Ghana et en Côte d’Ivoire. Cette cartographie permet de contrôler les limites des plantations de cacao, afin d’alerter en cas d’extension de ces dernières en direction de la forêt. Durant la même année, Nestlé a finalisé son programme de distribution de plus de 1 250 000 arbres indigènes et fruitiers en Côte d’Ivoire et au Ghana pour rendre les exploitations plus résilientes au climat et diversifier les revenus des agriculteurs.

Les enjeux d’une RSE protectrice de la biodiversité

L’engagement des multinationales agroalimentaires dans les politiques RSE respectueuses de la biodiversité est surtout motivé par des enjeux économiques. Il est ici question de garder des parts de marché dans des régions du monde où les produits écologiques deviennent peu à peu exigibles.

En France, par exemple, l’antenne locale du fonds mondial pour la nature (WWF) s’est engagée dans la campagne #Together4Forests aux côtés de plus de 160 autres organisations, pour demander au gouvernement d’agir et de porter au niveau européen, une législation contraignante et ambitieuse contre la « déforestation importée ». Il s’agit pour la France, qui assurera la présidence de l’Union européenne au premier semestre 2022, de faire adopter une législation mettant fin à l’importation des produits associés à la déforestation. « L’Union européenne détient le triste record de deuxième importateur après la Chine de produits associés à la déforestation tropicale et elle est responsable de la perte de 3,5 millions d’hectares de forêts entre 2005 et 2017, l’équivalent de la ville de Lyon rasée chaque semaine. Au moment où la Commission européenne s’apprête à proposer une législation pour lutter contre la déforestation, nous voulons que cette loi intègre des mesures contraignantes pour les entreprises, afin que les produits qu’elles mettent sur le marché ne soient pas issus de la destruction des forêts ou de la conversion d’écosystèmes naturels » explique Véronique Andrieux, la directrice générale du WWF France.

Pour accompagner cette mesure depuis le continent africain, la Rainforest Alliance, une ONG américaine de protection des forêts tropicales a mis sur pied un guide de géolocalisation des exploitations agricoles mettant en évidence les zones à haut risque de déforestation et d’empiétement sur les aires protégées. Cet outil accompagne les acteurs du secteur agricole (notamment les traders, les industries et les distributeurs) dans la protection de la biodiversité et la réduction des risques de déforestation, en leur indiquant les emplacements des plantations susceptibles de pratiquer la déforestation.

La Rainforest Alliance a également défini une certification identifiant les produits issus d’une agriculture respectueuse de la nature. La version 2020 de la norme Rainforest Alliance, qui entre d’ailleurs en vigueur en ce mois de juillet 2021, porte sur l’amélioration continue des exigences. La nouvelle version s’articule autour de la rotation et de la rénovation des cultures, de la fertilité et de la conservation des sols, de la protection intégrée des cultures, de la gestion des produits chimiques et des pratiques de récolte et de post-récolte.

Boris Ngounou

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