« Pour garantir la rentabilité des mini-grids, il faut des subventions de 40 à 50 % »

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« Pour garantir la rentabilité des mini-grids, il faut des subventions de 40 à 50 % » © NOA

Quelques jours après la conclusion d’un accord sur le financement de la nouvelle Plateforme Winch Energy IPP Holdings (WIPP), entre NEoT Off-grid Africa (NOA) et Winch Energy, Afrik 21 s’est entretenu avec Frédéric Pfister, le directeur général de NOA. Il s’agit d’une plateforme développée par Électricité de France (EDF), la firme japonaise Mitsubishi et Meridiam, une entreprise française spécialisée dans le développement, le financement et la gestion de projets d’infrastructures. Avec Frédéric Pfister, nous revenons sur cette importante transaction (WIPP) sur le segment des mini-grids, la politique de NOA en Afrique et les conditions d’investissements sur ce secteur très dynamique en Afrique.

Afrik 21 : Comment s’est opéré votre rapprochement avec le fournisseur de mini-grids solaires Winch Energy ?

Frédéric Pfister : Chez NEoT Off-grid Africa (NOA) nous divisons l’off-grid en trois sous-catégories, notamment les kits solaires et les systèmes équivalents comme les pompes qui fonctionnent avec des panneaux solaires et des batteries avec des fournisseurs comme SunCulture qui commercialise cette solution. Dans la deuxième sous-catégorie nous classons les mini-grids, qui correspondent très exactement à ce que nous venons de réaliser en partenariat avec Winch Energy. Enfin, la dernière sous-catégorie concerne les installations commerciales et industrielles (C & I) où l’on viendrait installer des panneaux solaires et des batteries pour une compagnie minière, par exemple. Ces systèmes remplaceraient alors des générateurs diesel utilisés par ces types d’acteurs.

NAO s’appuie sur des partenaires développeurs et opérationnels comme Winch Energy. Ce dernier est venu nous apporter un projet pour lequel il cherchait des fonds. La réponse de NOA a été : « OK, votre problème nous intéresse. Concentrez-vous sur la partie développement, construction, opération et maintenance ; et nous nous occupons de toute la partie financement ». Nous investissons nos fonds propres et nous sommes actionnaires très majoritaires dans des projets pour lesquels nous apportons des financements. Nous avons déjà investi aux côtés de Zola Electric en Côte d’Ivoire pour ses opérations de kits solaires ; on a également investi dans un projet de mini-réseau au Nigeria et plus récemment dans la nouvelle plateforme Winch Energy IPP Holdings (WIPP).

Quel est donc l’objectif général de WIPP ?

WIPP est une plateforme qui a été créée par Winch Energy pour porter deux projets en Ouganda et en Sierra Leone. La plateforme vient d’être rachetée par NAO. Après, nous ne nous interdisons pas d’ajouter d’autres projets à cette plateforme. Elle a pour vocation de porter les investissements de NOA et dans une moindre mesure de Winch Energy.

Quel sera le rôle de NOA dans la mise en œuvre des projets de mini-grids en Ouganda et en Sierra Leone ?

C’est nous qui allons financer ces projets. Aujourd’hui nous avons obtenu tous les permis. Nous avons déjà lancé le processus de construction. La fourniture des équipements a été sous-traitée à Winch qui assurera également l’exploitation et la maintenance des installations. En gros, Winch exploitera ces mini-grids pour notre compte.

Donc, les 16 millions d’euros investis dans WIPP représentent la valeur des actifs qui ont été investis dans les 49 mini-grids qui sont répartis entre l’Ouganda et la Sierra Leone. Ces actifs sont financés à la fois par des subventions, par des fonds propres et de la dette. Les subventions ont été distribuées en même temps que les projets parce qu’elles étaient prévues dans le cadre des appels d’offres qui ont été remportés par Winch. Donc, les lots gagnés nous sont parvenus avec les autorisations et les subventions. La majeure partie des 16 millions d’euros, c’est-à-dire 10 millions d’euros, a été financée par NOA. Les fonds ont été débloqués, la construction a commencé, et les actifs qui seront construits appartiendront à WIPP.

Pourquoi voulez-vous étendre ce mécanisme à d’autres pays du continent africain ?

Il n’y a pas de relation exclusive entre Winch Energy et NEoT Off-grid Africa. Parfois nos intérêts sont alignés. S’ils ont des projets à financer et qu’on trouve qu’ils correspondent à nos critères, nous pouvons éventuellement les financer. C’est le cas du présent partenariat. Mais si nous pouvons financer d’autres projets ensemble pour ouvrir cette plateforme et éviter de devoir créer une nouvelle structure, cela peut se faire. D’ailleurs, nous sommes en train de réaliser d’autres projets similaires au Benin où nous travaillons avec d’autres entreprises.

L’ambition de NOA est de devenir le principal financeur de mini-grids en Afrique. Nous avons déjà un portefeuille de 59 mini-réseaux en Afrique et nous espérons en détenir 50 de plus au Bénin d’ici la fin du premier semestre de 2021. Nos investissements seront réalisés via différentes plateformes.

Vous voulez étendre la plateforme Winch Energy IPP Holdings à d’autres pays africains. Lesquels ?

Avec Winch, nous sommes en train de discuter de l’extension de nos opérations en Ouganda et en Sierra Leone. Des discussions sont en cours avec les autorités locales pour en réaliser d’autres. Il y a un appel d’offres qui est organisé au Togo auquel Winch participe. Nous sommes en train de discuter avec eux pour voir si on peut répondre ensemble. Il y a la Zambie et le Niger qui vont lancer des appels d’offres pour des mini-réseaux.

La stratégie de NOA c’est d’identifier les appels d’offres coorganisés par les gouvernements, les agences d’électrification rurale, et les institutions financières comme la Banque mondiale ou la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ). Parce que dans le cadre de ces appels d’offres, on sait qu’il y a un cadre très clair et précis qui permet à des investisseurs comme NOA d’obtenir le niveau de confort suffisant pour venir investir.

Plusieurs pays d’Afrique centrale accusent du retard dans leur processus d’électrification. Ils sont moins dynamiques sur le segment des mini-grids que les pays d’Afrique de l’Est par exemple. Pourtant un pays comme le Tchad, qui dispose d’un taux d’accès à l’électricité assez faible (seulement 11,8 % selon le rapport 2018 de Banque mondiale), a un grand potentiel. Y a-t-il une stratégie chez NOA pour investir dans des pays comme le Tchad ou la Centrafrique ?

Écoutez… Nous avons une approche assez pragmatique. Nous ne sommes pas un fonds d’impact. Notre objectif aujourd’hui reste de réaliser un retour sur investissements qui corresponde aux risques perçus. Les risques sont un peu plus grands sur les mini-grids. Aujourd’hui, on construit ces installations, mais on n’a aucune garantie que les populations dans les villages vont consommer la quantité d’électricité que nous avons prévu.

Nous n’avons aucun problème à travailler au Tchad ou en Centrafrique, si on nous garantit des conditions nécessaires à la mise en œuvre de nos projets.

Quelles sont ces conditions ?

Il s’agit par exemple d’une vraie politique d’électrification, menée à la fois par l’État et un sponsor qui est une banque de développement internationale. Le secteur des mini-réseaux n’est pas encore très structuré. Aujourd’hui, il faut des subventions de l’ordre de 40 à 50 % de l’investissement total pour que le projet soit rentable. Sinon, ce sont des gouffres financiers et aucun investisseur ne voudra y aller. Dans des pays comme le Tchad, la Centrafrique ou la République démocratique du Congo (RDC), des cadres n’existent pas encore. On a donc tendance à attendre qu’un cadre soit créé avant de commencer à prospecter dans ces pays.

Des propos recueillis par Jean Marie Takouleu

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