« Les fournisseurs de kits solaires sont vulnérables face au Covid-19 en Afrique »

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« Les fournisseurs de kits solaires sont vulnérables face au Covid-19 en Afrique »

Les pays africains lèvent peu à peu les restrictions imposées à cause de la pandémie du Covid-19. Même si la crise sanitaire due au coronavirus n’est pas encore été endiguée, l’allégement des mesures de restriction pousse à s’interroger sur l’impact de cette maladie en Afrique, notamment dans le secteur très dynamique de l’énergie solaire. Pour avoir une idée de la situation, AFRIK 21 a interrogé le spécialiste John Frédérick van Zuylen, par ailleurs fondateur de l’Association de l’industrie solaire en Afrique (Afsia). Il nous livre ici son analyse.

L’Association de l’industrie solaire en Afrique (Afsia), dont vous êtes le fondateur, prévoyait de décerner ses premiers « AFSIA Solar Awards » le 2 juillet 2020 à Barcelone en Espagne. La date est-elle maintenue malgré le Covid-19 ?

Non, nous avons décidé de décaler cette date. L’évènement aura finalement lieu le 21 octobre 2020. Cette cérémonie se tient en même temps que l’Africa Energy Forum qui aura lieu du 20 au 22 octobre 2020 à Amsterdam aux Pays-Bas. Et donc, nous suivons cette grande conférence sur l’énergie en Afrique.

Comment se porte le marché du solaire en Afrique ?

Pour le moment, c’est très difficile de faire une évaluation de la situation, parce que les économies sont un tout petit peu à l’arrêt, il y a encore des difficultés de déplacement. Donc, si on devait prendre une photo de la situation actuelle, ce ne serait pas facile. Mais de manière globale, ça fait plusieurs années que l’industrie du solaire se porte très bien et, a priori, elle va continuer à grandir tout en apportant des solutions au problème de l’accès à l’électricité en Afrique.

Mais il vrai aussi qu’en ce moment, il y a pas mal d’acteurs qui font face à des difficultés et qui essayent de faire le gros dos en attendant la fin de la crise sanitaire. Il y a des inquiétudes chez les petits entrepreneurs, mais il y a aussi des petites sociétés qui estiment que ce sont des circonstances exceptionnelles qui vont passer.

Peut-on déjà évaluer l’impact du Covid-19 sur le marché du solaire ou sur les projets en cours en Afrique ?

Chiffrer… probablement pas. Mais il y a déjà des tendances qui se dégagent. L’impact est plus ou moins fort selon le secteur d’activité dans lequel on se trouve et selon la santé financière de la société qu’on observe. Par exemple, nous avons échangé récemment avec l’un des membres de l’Afsia qui est Sterling & Wilson, l’une des plus grandes entreprises de construction des projets solaires au monde. Ils ont des projets un peu partout en Afrique… ce sont des sociétés qui réalisent des projets de 20, 30 ou 100 MW. Ils n’ont pas arrêté leurs chantiers, mais ils ont adapté le travail, en réduisant par exemple les interactions entre les ouvriers.

À l’inverse, les sociétés qui sont actives sur le segment des kits solaires à domiciles sont plus touchées par le Covid-19 parce qu’elles fonctionnent avec beaucoup de vendeurs qui vont voir des gens dans les villages ou sur les marchés… une démarche qui requiert de l’interaction entre les gens. Du coup, chez ces entreprises, les activités sont complètement à l’arrêt.

Comment se fait le transport des équipements pour la construction des centrales solaires puisque la plupart des frontières sont fermées ?

Il y a effectivement de gros challenges au niveau logistique. La situation de Sterling & Wilson n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Sinon, il y a des projets qui ont été mis en pause, le temps que tout revienne à la normale. Globalement, le point positif à retenir pour un projet de taille commerciale ou industrielle c’est la durée de mise en œuvre : les entreprises ont un peu plus de latitude, puisque les projets se planifient sur plusieurs mois, voire parfois des années. Du coup, il y a de la compréhension entre les différentes parties pour dire que la situation est exceptionnelle et on peut envisager quelques mois de retard. D’autres entreprises vont devoir arrêter de travailler le temps que les équipements arrivent arriver sur site…

Selon la Banque africaine de développement (BAD), 600 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à l’électricité. Est-ce que le Covid-19 ne sape pas un peu l’ambition d’électrification du continent africain ?

On peut voir les choses négativement ou positivement. On peut penser qu’après le coronavirus, nous allons être confrontés à une crise économique qui va avoir un impact sur l’Afrique et donc ralentir les projets d’électrification en cours. Mais nous pouvons voir les choses positivement puisqu’avec la crise sanitaire, il y a beaucoup d’acteurs internationaux qui se rendent compte de l’urgence qu’il y a à fournir l’accès à l’électricité sur le continent africain.

Ceux-là s’organisent pour soutenir les entreprises qui fournissent des solutions solaires aux centres de prise en charge des personnes infectées par le coronavirus. C’est le cas au Nigeria avec la société d’investissement All On. Ces acteurs internationaux se rendent désormais compte que le solaire peut apporter une solution rapide au problème d’accès à l’électricité. J’ai envie de croire que cette crise sanitaire va être un wake-up call (le réveil, Ndlr).

Comment se passera la reprise dans le secteur des kits solaires et des mini-grids ? Et à quand cette reprise ?

Le Covid-19 a mis en lumière la grande fragilité financière des fournisseurs de kits solaires. Mais c’était inhérent à leur situation puisque ce sont des start-up pour la plupart. Ces entreprises ont souvent de grosses équipes, même si beaucoup de collaborateurs travaillent à la commission. Malheureusement, quand il n’est pas possible de travailler, ces personnes se retrouvent sans ressources. Mais à court terme, les sociétés ne sont pas gravement impactées. Elles pourraient se retrouver en difficulté si la crise perdurait puisqu’elles ne détiennent très souvent qu’une faible trésorerie.

Mais les restrictions sont déjà en train d’être assouplies dans beaucoup de pays. On peut espérer que la situation revienne à la normale rapidement. Dans le même temps, face à la crise sanitaire, beaucoup de pays africains ont enfin reconnu la fourniture de kits solaires comme un service essentiel. Cette décision a permis à plusieurs entreprises de maintenir leurs collaborateurs sur le terrain pour changer les pièces et réparer les systèmes solaires. Sinon, pour le moment, les fournisseurs de kits solaires peuvent fonctionner relativement normalement, en tout cas, pour ceux qui ont un peu de stock.

Quelles leçons tirées du covid-19 dans le secteur de l’énergie solaire ?

Peut-être le covid-19 va-t-il mener à une consolidation du segment des kits solaires, à une plus grande professionnalisation ou à faire émerger des acteurs plus solides financièrement. Ces dernières années on a vu un grand nombre de nouveaux acteurs se lancer, même sur des marchés saturés, essayant de grappiller des parts de marché. Ce n’est pas tenable. Covid-19 ou pas, à un certain moment, un écrémage ou une rationalisation du secteur devait avoir lieu. Le coronavirus n’aura fait qu’accélérer un processus économique classique.

Des propos recueillis par Jean Marie Takouleu

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